Des Français qui attendent de longues minutes avant de pouvoir pénétrer dans un magasin. Ces scènes quotidiennes ont quelque chose de déconcertant en 2020. Pour les aînés, elles rappellent sans doute les privations d’après-guerre. Pour les quinqua et quadra, elles évoquent davantage ces files d’attente désuètes des années 80 devant les magasins à moitié vides des pays de l’Est. Pour les plus jeunes, l’étonnement prédomine… Ils n’avaient jamais songé que cela puisse survenir.
Si les Français font actuellement la queue, ce n’est pas pour acheter le dernier iPhone, mais pour remplir leur frigo. Nous voilà revenus au temps des provisions de précaution. Les chercheurs nous révéleront peut-être dans quelques années que le budget alimentaire a sensiblement progressé pendant cette période. C’est un classique depuis des millénaires : sécurité et précaution sont les filles des peurs collectives. À l’époque de Louis XIV, une crise d’approvisionnement faisait basculer un budget domestique déjà conséquent de 45 % pour l’achat de farine à 100 %, voire 120 % c’est-à-dire jusqu’à l’endettement. Avec 15 % du budget consacré à l’alimentation les Français ont de la marge !
Si la part du budget alimentaire augmente en 2020 cela sera davantage dû à la baisse relative des autres achats plutôt qu’à l’augmentation des prix des produits alimentaires. Car faut-il le rappeler : grâce à son agriculture puissante et variée la France est en capacité de nourrir sa population. Il n’y a donc pas pénurie et donc aucune raison que les prix explosent. Si rupture d’approvisionnement il devait y avoir, elle serait davantage due à un problème de logistique. Comme au temps de Madame de Sévigné qui, au XVIIIe siècle, « crevait de faim sur un tas de blé » car trop peu de moulins à grains étaient en état de fonctionner.