Vous mettez en valeur les Bretons et Bretonnes œuvrant dans l’agriculture. C’est pour vous une des forces de notre région ?
Oui, notre secteur d’activité a tenu durant la période de confinement car les 135 000 emplois directs des filières agricoles et agroalimentaires, soit 10 % de l’emploi breton, sont restés mobilisés. Chaque maillon a répondu présent, tout en répondant aux transferts de mode de consommation. Reste maintenant à renforcer la chaîne de valeur, créatrice d’emploi et de cohésion sociale.
Durant cette période, le Made in France a séduit les Français.
Au travers de la filière légume, on peut effectivement citer la mise en avant par la grande distribution ces dernières semaines des produits français. Cette réussite a néanmoins été décriée par l’augmentation du prix à la consommation, chiffrée à 9 %. Une évolution pourtant normale en lien avec la qualité, la sécurité alimentaire et le coût social en France, plus élevé que dans d’autres pays. La capacité du maillon production à faire reconnaître la valeur économique et sociale de nos emplois locaux n’est pas encore gagnée. Alors, face à la récession économique, une augmentation du chômage certainement à venir et des fins de mois difficiles, les consommateurs vont-ils continuer à privilégier nos produits plus chers ?
C’est pourtant la clé. Pour assurer la durabilité de nos exploitations : on peut jouer sur deux leviers. La diminution des charges, on y a déjà beaucoup travaillé. Reste des prix décents à la production. Pour cela, on doit poursuivre les actions commencées avec la Loi Égalim, elle n’est pas encore utilisée à la hauteur qu’elle pourrait l’être. C’est important pour redorer l’image de la profession, continuer à attirer des jeunes vers l’installation et le salariat en milieu agricole. Pour conjuguer intelligemment sécurité sanitaire, souveraineté alimentaire et transition climatique, le monde agricole breton est prêt à sceller un pacte de confiance avec ses concitoyens sur ces ambitions. Avec, à la clé, deux contreparties : des prix agricoles qui reflètent la valeur accordée à l’alimentation, et une trajectoire équitablement négociée sur les engagements et sur le calendrier, à l’instar de ce que nous avons su faire sur la qualité de l’eau.
À quel niveau doit-on gérer cette souveraineté alimentaire ?
Comme pour le domaine de la santé, la balance commerciale des produits agroalimentaires – hors vins et spiritueux – se dégrade et les importations augmentent. Il faudra peut-être relocaliser certaines productions. Mais attention, nous n’avons pas le monopole du droit à la souveraineté alimentaire. Chaque nation est légitime à la revendiquer. Le véritable champ de la souveraineté alimentaire, c’est l’Europe. Un marché unique. Gardons-nous de confondre la souveraineté alimentaire avec un souverainisme alimentaire, replié sur des frontières nationales, qui appauvrirait notre région et fragiliserait la nation, sans garantir une limitation des importations. Dans ce nouveau cap alimentaire et solidaire européen, la typologie des exploitations bretonnes reste un modèle familial à défendre.