Le modèle agricole de l’après Covid-19 : Un autre monde, une gageure ?

 - Illustration Le modèle agricole de l’après Covid-19 : Un autre monde, une gageure ?
Pour les syndicats agricoles, d’un commun accord, la souveraineté alimentaire mise en exergue par la pandémie de la Covid-19 est une construction qui ne se fera pas du jour au lendemain.
Les syndicats politiques et agricoles n’ont pas attendu le déconfinement pour présenter leurs idées pour atteindre la souveraineté alimentaire.

Assurer la sécurité des approvisionnements alimentaires – un des objectifs prioritaires de la Pac dès sa création en 1957 – a été remis en exergue lors de cette crise sanitaire de la Covid-19. Le président de la République l’a d’ailleurs rappelé durant son discours du 12 mars, estimant « qu’il y a des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois de marché. Déléguer notre alimentation (…) à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire une France, une Europe souveraine (…) qui nécessitera des décisions de rupture en ce sens. »

Rupture ou continuité ?

Alors dans quelle direction allons-nous ? La rupture annoncée aura-t-elle lieu ? Car il est plus facile (et rassurant !) de suivre une ligne directrice tracée de longue date comme grimper sur la branche d’un arbre (même tortueuse) qui s’est ramifiée au fil du temps, que de franchir le vide pour atteindre la branche d’à côté… Et en économie, le coût marginal d’un changement de modèle est souvent très élevé. Alors qui, au final, paiera la note ? Un État stratège qui mettra l’agriculture sur le devant de la scène au même titre que la santé, l’éducation et la sécurité ? Un consommateur habitué à des prix bas ?

De la traçabilité pour les produits transformés

La sécurité alimentaire, d’aucuns avancent qu’elle passera avant tout par une préférence locale. Une tendance déjà marquée par la loi Égalim avec 50 % de l’approvisionnement local ou de qualité en restauration collective mais qui peine à voir son application et ses incidences pour permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier. La FNSEA, la Coordination rurale (CR) et la Confédération paysanne demandent aussi plus de transparence via une meilleure traçabilité des produits transformés, pour permettre aux citoyens français et européens un acte d’achat éclairé.

L’Europe, le champ des échanges

Le domaine d’action, c’est avant tout sur le territoire européen. Et c’est aussi avec plus d’Europe, un « cri du cœur affirmé » comme l’affiche Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, que se dessinera cette autonomie. « Oui mais, nuance Jean-François Couétil, président de CR Bretagne, la Pac, avant d’être un budget, est avant tout une politique à définir… » Et un marché au sein duquel « les règles doivent être harmonisées ». Pour Jean-Marc Thomas, porte-parole de la Confédération paysanne, la souveraineté alimentaire doit quant à elle s’envisager au niveau mondial. La question des produits à l’export divise toujours. « L’export n’est pas une fin en soi. Elle doit intervenir dans le cadre d’une solidarité entre pays, soit en totale contradiction avec la logique de marché et de profits actuels », développe la Confédération paysanne. « Nous devons avant tout consommer ce que nous produisons et n’exporter que les surplus et nos produits d’excellence », insiste Véronique Le Floc’h, dans un courrier adressé au président de la République. « Mais pourquoi se priver de marchés qui plébiscitent les produits français et qui viennent compléter le revenu de la ferme France ? », interroge Thierry Coué, président de la FRSEA Bretagne. « C’est un choix de complétude à conserver. Le problème de rémunération provient d’une valorisation insuffisante sur le marché intérieur. On doit être présent sur tous les marchés », insiste-t-il.

L’épineux sujet de la dépendance protéique

Les syndicats se rejoignent sur l’urgence d’un plan protéine clair et ambitieux. Un plan sans arrêt remis à plus tard, que le ministre de l’Agriculture promet dorénavant à l’automne… Pour la FRSEA, « c’est une stratégie globale de la politique du biocarburant à l’alimentation animale », déjà mise en place et à poursuivre. Et qui nécessite de « développer des outils de recherche pour répondre sans tabou à toutes les questions ». La Coordination rurale parle de rééquilibrage des productions (avec moins de blé et d’export). Alors que la Confédération paysanne attend la mise en musique de la partition écrite dans le cadre de la Breizhcop : « Les chiffres sont sur la table, avec une baisse du cheptel animal et une contractualisation avec les régions voisines pour l’approvisionnement en protéines végétales. Qu’est-ce qu’on attend ?» Les débats sont lancés… 


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