La profession agricole a signé ses premiers contrats carbone à 35 €/t en mars dernier. Intéressant, mais pas suffisant. Car le carbone vaut en fait beaucoup plus. En 2015, sa valeur tutélaire a été estimée en France à 100 €/t à l’horizon 2030. Voire 250 €/t si l’on se réfère au rapport remis au Gouvernement par l’économiste Alain Quinet qui évalue la progression à 500 €/t en 2040 et 775 €/t en 2050. Ces valeurs correspondent au prix estimé du carbone qu’il faudrait mettre en place pour atteindre l’objectif national de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.
Même si l’on peut déplorer le pis-aller d’une telle bourse d’échange de quotas d’émissions, voire y déceler un concept fumeux qui permet à certaines grandes entreprises de polluer en s’achetant une vertu, le marché du carbone est une opportunité pour l’agriculture. D’autant que le stockage du carbone dans les fermes est réel, lui. L’initiative « 4 pour mille » élaborée par l’Inrae démontre en effet que si l’on augmentait chaque année la teneur en CO2 des sols agricoles 0,4 % (300/400 kg/ha/an en Bretagne), on serait capable de compenser l’ensemble des émissions de GES produits par la planète en un an. Le potentiel de stockage par l’agriculture et la forêt est en fait énorme. Notamment en Bretagne, terre d’élevage, de prairies et de bocage où rien qu’un km de haie stocke entre 3 et 5 tonnes de carbone par an, selon une autre étude de l’Inrae. Les agriculteurs bretons ne doivent pas laisser passer cette chance. Ni brader le prix comme ils l’ont fait avec la nourriture. Et, plus que tout, ne pas se laisser déposséder de la gestion de ce marché indéniablement prometteur pour les années à venir. Car ce marché fructueux suscitera inévitablement des convoitises de tous ordres.