C’est par l’expérience que l’on comprend. Pour suivre cette maxime, des étudiants s’apprêtent à entrer dans l’École d’Agroécologie Voyageuse, pour épauler des agriculteurs en quête d’une transition de leur système de production.
C’est une école un peu particulière qui s’apprête à ouvrir ses portes en septembre prochain. Sur les bancs de cet établissement dédié aux sols vivants, une quinzaine d’élèves d’horizons divers, ayant le même violon d’Ingres : l’agroécologie. Après un BTS ou lors d’une césure en école d’ingénieur, ces apprenants vont démarrer une formation qui prendra sa source à Châteaubourg (35).
Un parcours dans les fermes
Tout commence avec Sarah Pétreault et Opaline Lysiak, deux jeunes femmes fortement impliquées dans la promotion d’une agriculture régénérative à sols vivants. L’association Les Agron’Hommes est créée, c’est cette structure qui lance le projet de l’École d’agroécologie voyageuse. « Il faut mettre les mains dans la terre pour être utile. L’énergie de la jeunesse n’est pas suffisamment utilisée, il faut la canaliser ». Cette formation n’a pas vocation à remplacer des enseignements existants, mais cherche plutôt à accompagner les jeunes pour « acquérir des compétences et aider à une transition ».
[caption id= »attachment_46289″ align= »aligncenter » width= »720″] La pratique au quotidien de thèmes agronomiques est au cœur de la formation.[/caption]
Concrètement, les étudiants vont démarrer leur parcours dans une ferme multiproductions à Châteaubourg, comprenant entre autres de l’agroforesterie successionnelle, des poulaillers mobiles, une production de fruits pour déshydratation, des cultures maraîchères, du lait et des céréales pour transformation. « Nous travaillerons ensemble pendant 7 à 9 semaines sur cette ferme pour découvrir la boîte à outils de l’agroécologie et la pratiquer au quotidien. Ce sera en quelque sorte un incubateur d’agriculteurs », explique Opaline Lysiak. Ensuite, direction les « territoires d’impacts » pour les apprenants. Là, chacun va explorer la zone géographique de son choix et cerner les demandes particulières d’agriculteurs partenaires. Commence alors une nouvelle phase dans la formation : les étudiants vont collecter les informations en réponse à ces demandes de solutions de transition agroécologique pendant 7 mois. « Ce collectage peut être fait en France ou à l’étranger ». À l’issue de ce voyage, les élèves vont tenter de mettre en pratique leurs expériences acquises dans leur territoire d’impact. Enfin, le dernier mois de formation est consacré à un partage d’expérience entre élèves.
Opaline Lysiak a pu se rendre compte de la richesse des échanges avec les agriculteurs, elle-même ayant sillonné quelque 12 pays à travers le monde. « Dis-moi et j’oublie. Montre-moi et je retiens. Implique-moi et je comprends ». Cette phrase a motivé cette ingénieure agronome autrefois enseignante en établissement agricole pour lancer ce projet.
[caption id= »attachment_46288″ align= »aligncenter » width= »660″] Opalyne Lysiak, à gauche et Sarah Pétreault ont fondé l’association Les Agron’Hommes.[/caption]
Du Québec à la Bretagne
Solène Mure a participé lors d’un stage avec l’association Les Agro’Hommes à différents travaux en compagnie de pionniers de l’agriculture de conservation. Ce stage, très similaire à la prochaine session de septembre s’est déroulé dans 3 fermes en région Bretagne. Lors de cette période, la jeune apprenante a accompagné 3 systèmes distincts, « avec 3 générations différentes. J’ai ainsi pu m’enrichir du vécu d’un producteur expérimenté, mais aussi d’un jeune agriculteur qui souhaite orienter un système de production hérité de ses parents vers une agriculture plus durable ». Ainsi, Solène Mure s’est rapprochée d’un groupe Québécois qui travaillent sur l’écartement à 150 cm des maïs, avec semis de couverts végétaux en interrang. Ces échanges ont été le socle d’essais menés désormais en Bretagne, où des mesures de biodiversité sont en cours, notamment sur les populations de carabes. « J’ai tissé des liens très forts avec ces agriculteurs. Le terrain fait apprendre, il y a eu une intense transmission des connaissances. Il y a également des liens sociaux très forts dans ce type d’expérience », estime-t-elle.
Tous les jours, nous perdons nos sols
« Il y a urgence à former les agriculteurs à l’agroécologie », lance Opaline Lysiak. « Nous perdons nos sols avec des systèmes agricoles construits sur le labour. La charrue fonctionnait sur des petites surfaces, avec des animaux et de la biodiversité. La base de l’agroécologie repose sur des sols vivants, couverts en permanence comme c’est le cas dans la nature ». Et la globe-trotteuse va plus loin : « Si tous les sols de la planète sont conduits en agroécologie, on stoppe le réchauffement climatique ».
Ce socle de base scolaire a pour objectif « d’ici à 2030 de former 5 000 paysans ou catalyseurs. Ce type d’école va se multiplier, 3 étudiants sur 15 auront comme projet la création d’un établissement similaire », prévoit Opaline Lysiak. Derrière cette nouvelle façon d’apprendre, le sujet réel du renouvellement des générations. « Il faut montrer aux jeunes des choses qui vont leur faire du bien. Je préfère une masse d’agriculteurs qu’une agriculture de masse », conclut-elle.