Déjà 11 ans d’expérience en volière

 - Illustration Déjà 11 ans d’expérience en volière
« La volière, c’est un métier », explique Didier Carfantan, précurseur de l’élevage de poules pondeuses en système volière en France. Depuis 2009, il ne cesse de faire évoluer ses bâtiments existants vers cette production d’œufs code 2, « un bon compromis technico-économique » entre le code 3 (cage) à l’avenir incertain et le code 1 (plein air) très exigeant en foncier. Entretien.

L’entrée du bien-être animal dans le débat public au début des années 2000 a débouché sur le décret européen imposant la mise aux normes des cages pour 2012. Dans cette incertitude, comment vous êtes-vous intéressé à la volière ?

Alors que tout le monde en France ne voyait que par la cage, les pays du nord, en avance sur le bien-être animal, sont rapidement allés plus loin en développant l’œuf alternatif face à une pression sociétale et médiatique très forte.
Le décret européen imposait 9 poules au m2 de surface utilisable, soit le cumul de la surface au sol et des caillebotis avec système de récupération des fientes. Les Allemands et les Néerlandais ont alors réagi en inventant la volière pour optimiser le volume des bâtiments et loger 18 poules au m2 grâce à l’aménagement vertical des équipements. Un bâtiment pouvant abriter 40 000 poules en cage n’en accueille que 15 000 au sol. En volière, il peut en loger 30 000…
Aux Pays-Bas et en Allemagne, de petites unités en volière ont ainsi émergé. Mais le concept n’était pas au point techniquement : l’intérieur des bâtiments était trop confiné, la ventilation compliquée, la génétique des animaux pas adaptée… Cela a laissé une mauvaise image de la volière dans la mémoire de beaucoup d’éleveurs visiteurs à l’époque.

Malgré ces débuts difficiles, vous y avez rapidement crû. Quel a été le déclic pour vous ?

Lors d’un voyage professionnel aux Pays-Bas en 2007, la volière était au cœur des débats, même si nous constations que les performances étaient loin de celles de la cage. Dans une université, on nous avait exposé les inconvénients de la volière : risque de piquage, davantage de mortalité, indice de consommation supérieur… Et en face, un atout incontournable : un animal qui n’était plus enfermé. Le bien-être animal m’est alors apparu comme une donnée incontournable pour l’avenir.
Surtout, avec la perspective de l’interdiction d’installer de nouvelles cages en Allemagne dès 2009, les constructeurs de matériel –tous Néerlandais ou Allemands- comme Big Dutchman ou Vencomatic– ont travaillé, cherché et commencé à sortir des équipements au goût du jour pour répondre à une évolution inéluctable du marché vers la volière chez eux. Parallèlement, les acteurs de la génétique ont sélectionné des souches d’animaux beaucoup plus calmes ayant la faculté de se déplacer, de se percher, de pondre dans un nid…
En 2008, un fabricant m’a fait visiter ses nouveaux systèmes. Fils d’aviculteur tombé dans la marmite tout petit et passionné de technique, j’ai été bluffé par le comportement des animaux dans les volières : la poule pouvait se percher, évoluer à la verticale sur 2 m de hauteur, voler, pondre dans un nid digne de ce nom, dormir en hauteur comme les oiseaux avec la peur instinctive du renard, gratter le sol et faire son bain de poussière pour se déparasiter… C’était ça que je voulais faire en Bretagne désormais.

[caption id= »attachment_46467″ align= »aligncenter » width= »720″] « Pour certains types de marchés, nous sommes amenés à créer des jardins d’hiver en faveur de davantage de bien-être animal. Chez nous, nous allons bientôt doter un 3e bâtiment d’un tel espace », explique Didier Carfantan.[/caption]

L’année suivante, vous rénoviez un bâtiment pour passer de la cage à la volière. Comment avez-vous préparé ce saut dans l’inconnu ?

J’ai toujours voulu aller vers de nouvelles techniques et j’y croyais dur. Grâce à la passion et à la compétence de mon équipe, j’ai pu déléguer et préparer sereinement les investissements futurs. Mes salariés ont toujours été associés pour relever ce challenge. Rapidement, je suis retourné aux Pays-Bas avec un de nos clients. Lui aussi a été aussitôt enthousiasmé par ce qu’il a vu. Nous avons vu une opportunité de nous démarquer commercialement, même si c’est toujours risqué d’avoir raison trop tôt. D’ailleurs, pendant 3 ou 4 ans, ce centre de conditionnement a eu du mal à valoriser la production issue de volière auprès des distributeurs : rappelons que le coût de revient d’un œuf code 2 est de 15 à 20 % supérieur à un code 3 (cage).
J’ai également travaillé 15 jours comme employé d’élevage aux Pays-Bas pour me familiariser avec le système. Beaucoup d’éleveurs se faisaient un monde de la volière mais une grande partie du travail est commune à la cage comme le ramassage des œufs et le raclage des fientes qui sont automatisés. Ensuite, en 2009, nous avons investi 3,5 millions d’euros dans nos premières volières en se disant que si on ne trouvait pas de marché, nous commercialiserions les œufs en Allemagne…

Depuis, vous poursuivez la mutation de votre élevage vers la volière au rythme d’un bâtiment par an…
En 2012, la filière française a pris le virage de la cage aménagée. Mais c’était sans compter la pression médiatique dès 2015 qui a poussé le consommateur vers l’œuf alternatif. Pour autant, il est inconcevable d’imaginer nos 48 millions de pondeuses toutes élevées demain en plein air. Moi, je continue à croire que la poule au sol est un bon compromis entre notre activité qui demeure un métier de volume en gardant en tête la notion de prix de revient et les exigences de bien-être animal. Aujourd’hui, en s’appuyant sur la faf avec des formules d’aliment spécifiques, 3 de nos 4 sites de production fournissent déjà exclusivement de l’œuf code 2.
Et, la volière est aussi plébiscitée par nos 17 salariés. Grâce aux allées larges, le matériel est plus accessible en faveur d’une maintenance facilitée. La surveillance est aussi beaucoup plus conviviale. Animaliers dans l’âme, nous sommes davantage en communion avec les poules.

Le semi-plein air des jardins d’hiver

« La grande distribution devient de plus en plus sensible à l’accès à la lumière naturelle. D’où la création de jardins d’hiver », rapporte Didier Carfantan. C’est-à-dire un préau grillagé accolé au bâtiment auquel la poule accède par une trappe pour se promener dans un endroit clair et à température ambiante extérieure. « Comme les fenêtres laissant entrer la lumière naturelle dans les enceintes, cela apporte un plus en termes de bien-être animal. » Mais l’installation de jardins d’hiver représente « un coût supplémentaire pas évident à répercuter » : le marché de ces œufs codé 2+ est encore limité. « Si nous pouvions appeler ça du “semi-plein air”, nous aurions plus de facilité à vendre nos produits », termine l’aviculteur.


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