Les céréales d’hiver ont souffert dès l’implantation, les rendements en grains comme en paille sont décevants, même si certaines zones bretonnes tirent leur épingle du jeu.
Cette campagne de moisson 2020 donne ses premières conclusions et qualifie la récolte de décevante. « On s’attendait à avoir un potentiel réduit à cause des excès d’eau de cet hiver », déplore Michel Le Friant, du pôle Céréales de chez Eureden. En effet, les conditions vraiment particulières aussi bien pendant la période des semis que pendant les stades de croissance végétative produisent aujourd’hui des tonnages récoltés désastreux dans certains coins de Bretagne. L’orge atteint péniblement en moyenne les 50 quintaux, quand la coopérative enregistre en année plus classique des rendements de 65 quintaux. « Les sols hydromorphes comme dans le marais de Redon (35) ou encore en limite Morbihan / Loire-Atlantique enregistrent des récoltes catastrophiques, de 20 à 40 quintaux ».*
Toutes les céréales d’hiver ont souffert de semis tardifs, parfois dans de mauvaises conditions. « Les interventions de désherbage ont été difficiles à réaliser, tout comme les apports d’azote ». Paradoxalement en Ouest-Bretagne et à cause des semis décalés dans le temps, les producteurs s’attendaient à des récoltes plus tardives ; or la saison des moissons a démarré sur un calendrier identique aux années précédentes. « Le cycle végétatif a été raccourci, les petits grains témoignent de parcelles qui ont souffert ». Les PS sont de l’ordre de 65 kg/hL en orge. Le responsable résume cette collecte en rappelant que « plus on est dans un territoire à récolte précoce et dans des sols hydromorphes, plus la sanction est sévère ».
Le ramassage de la paille n’atténue pas ce sentiment de mauvaise année, avec par endroits 3 tonnes pressées à l’hectare. Dans la plaine céréalière de la Beauce, les rendements en paille atteindraient difficilement les 2 tonnes, laissant présager un prix des brins dorés qui risque de s’envoler.
Les blés très hétérogènes
Les 1ers blés rentrés par la coopérative affichent des PS plutôt corrects, au-dessus de 78 kg/hl. Les taux de protéines se situent entre 11,2 et 11,4 %. « La qualité et les rendements sont en amélioration quand on remonte en Centre- Bretagne, comme en région de Loudéac ou de Pontivy. En Finistère comme à Châteaulin, les résultats peuvent être très bons », observe Michel Le Friant. Pour autant, l’hétérogénéité est de mise pour cet été, des producteurs cumulant de mauvais rendements avec des taux de protéines bas sur un grand arc sud-est breton.
Les surfaces sont en baisse
Sur le secteur sud-Finistère, les moissons d’orge et de colza se sont terminées en ce début de semaine. « Nous terminerons les blés ce week-end », prévoit Bertrand Le Lay, un des associés d’une ETA basée à Plounéour-Lanvern (29). Les rendements sont décevants en orge comme en colza : la céréale aura donné entre 50 et 75 quintaux / ha, la crucifère entre 15 et 30 quintaux. « Les orges n’ont pas de poids spécifiques. Les épis ne sont pas grands, les grains sont petits. Certains PS descendent à 52 kg/hL, et s’expliquent par le coup de chaud subi par les céréales à la mi-avril. Les premiers blés battus sont dans la même tendance, avec des PS autour de 76 quand nous sommes habitués à des valeurs plus proches de 81 ». L’entrepreneur remarque des surfaces à récolter en net recul, avec une diminution de 20 % de surface dédiée aux céréales, au profit d’orge de printemps ou de maïs.
Des marchés indécis
« Les silos ne seront malheureusement pas pleins », schématise Michel Le Friant. À cela s’ajoutent une ambiance macroéconomique morose et des marchés indécis. « Il faut aussi compter sur un élément : celui d’une parité monétaire défavorable, avec un renchérissement de l’euro face au dollar. Peu de marchandises pourront partir à l’exportation ». Ce climat confus se dénouera sans doute dans les prochaines semaines, quand l’Ukraine aura terminé ses récoltes, stoppées pour l’instant du fait d’intempéries.
C’est de la folie sur le marché de la paille. Il y a une forte demande et dans un même temps très peu de marchandise : en Vendée, les céréales sont restées sous l’eau pendant 3 semaines, il n’y a pas de rendement. Les prix flambent, il faut compter 130 € / tonne pour de la marchandise rendue à Rennes, 150 € pour des livraisons dans le Finistère. Nous nous retrouvons dans la même situation qu’en 2003 ou en 2018, où la tonne de paille avait atteint en mars les 170 €. Certains céréaliers ont du stock, mais ne veulent pas la vendre car ils spéculent. Le plus grave, c’est que nous ne sommes qu’à la fin juillet, la prochaine récolte n’arrivera que dans 12 mois. La situation va devenir très compliquée en Bretagne, notamment pour les volaillers. Je ne prends pas le risque de proposer de la paille espagnole, car elle est pressée de jour comme de nuit et est de très mauvaise qualité. Joanny Reybier, Négociant en paille et foin