Une vision différente dans la filière bovine aux USA

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Aux États-Unis, la commercialisation des bovins se fait à 70-80 % sous forme de contrats conclus plusieurs mois avant l’abattage. Les normes sanitaires et l’identification sont en rupture avec notre modèle européen.

Avant la crise de la Covid-19, les indicateurs économiques étaient au vert en Amérique du Nord. S’agissant de la production de viande bovine, elle progressait encore en 2019 aux États-Unis, en hausse de 2 % par rapport à 2018, avec 34,1 millions de têtes abattues. « Dans ce pays qui est un des premiers producteurs mondiaux, le secteur bovin est organisé et concentré. La production est divisée entre des naisseurs et des engraisseurs spécialisés, situés dans le centre du pays. Si la majorité des parcs d’engraissement compte moins de 1 000 têtes, 5 % des feedlots engraissent plus de 80 % des bovins finis au grain », a indiqué Lina-May Ramony du Groupe économie du bétail de l’Institut de l’élevage lors d’un webinaire sur la viande bovine en Amérique du Nord.

La commercialisation se fait à 70-80 % sous forme de contrats conclus plusieurs mois avant l’abattage. « Ils fixent un volume et un prix relié à une formule qui tient compte des cours du marché à l’abattage mais aussi des cours des aliments. Les producteurs y recherchent une certaine stabilité… » Les prix étaient stables sur 2019 par rapport à 2018, en moyenne à 4,09 $/kg équivalent carcasse pour un bouvillon en entrée d’abattoir.
Sur le marché intérieur, la consommation, déjà importante, progresse encore de 1 % sur 2019, se situant à 37,5 kg par habitant. « 40 à 45 % du bœuf est consommé sous forme de haché. » Encore plus qu’en France, des associations remettent en cause la consommation de viande, défendent le bien-être animal, l’environnement. « Mais l’impact est limité car la consommation de viande bovine sous forme de burgers, de T-bones… fait vraiment partie de la culture américaine. »

Des investissements massifs sont réalisés dans les produits carnés issus de cultures de cellules par les géants d’Internet mais aussi par certains gros industriels de la viande comme Cargill. « Mais pour le moment, l’administration souhaite mieux connaître leur cadre industriel pour les autoriser », précise Sylvain Maestracci, conseiller pour les affaires agricoles à l’ambassade de France aux Etats-Unis. Les premiers produits ne devraient pas arriver avant plusieurs années.

Quatrième exportateur et deuxième importateur : sur le terrain international, les États-Unis sont un acteur majeur. Ils importent notamment de la viande pour haché de moindre prix provenant de l’Océanie et exportent des découpes nobles vers l’Asie en particulier. Les importations de bovins vivants s’intensifient également avec du maigre provenant du Mexique et des bovins finis du Canada.

Convaincre par le Royaume-Uni

Sur l’échiquier mondial, l’Union européenne ne constitue pas un débouché majeur pour les États-Unis. « Le solde commercial agricole est d’ailleurs en faveur de l’UE qui y exporte 153 millions € de viande bovine fraîche et congelée et importe 34,7 millions €. » Les USA, comme le Canada, portent un discours agressif envers l’UE qu’ils accusent de protectionnisme. « Pour les États-Unis, la vraie priorité en Europe est le Royaume-Uni avec une volonté qui s’affirme de faire basculer ce pays vers un modèle sanitaire plus proche du leur, acceptant les substances de décontamination des carcasses et les hormones de croissance. L’idée est que cet accord serve de référence à d’autres accords en Europe. »

« Au début de la crise de la Covid-19, les abattages ont fortement chuté, entraînant une baisse des prix du vif sur le marché spot. D’importants volumes de viande ont été stockés, les animaux ont été alourdis considérablement. Des pénuries de viande ont été observées dans les rayons », précise Lina-May Ramony. Dans ce contexte, le prix de la viande a connu une inflation.

Abattage et découpe ultra-concentrés

« Aujourd’hui, 80 % de l’abattage et de la découpe de la filière bovine sont assurés par quatre entreprises (Tyson foods, JBS, National beef et Cargill). Une enquête antitrust a été lancée début juin par rapport à ces entreprises », ajoute Sylvain Maestracci. Autre débat actuel aux États-Unis, l’identification de l’origine des viandes est demandée par certains consommateurs. L’administration y est favorable, mais les syndicats d’éleveurs sont réticents sur une traçabilité individuelle des animaux. « À court terme, on n’aura pas un système similaire à celui en Europe. »

Des aides suite à la crise sanitaire

La bonne situation économique et agricole des États-Unis a été stoppée par la crise sanitaire. Un plan Covid-19 de 19 milliards $ a été mis en place en 2020 dont 5,1 pour la filière bovine. La fermeture des restaurants a impacté les pièces haut de gamme dans un 1er temps. En avril, des cas de Covid dans des abattoirs et ateliers de découpe ont entraîné la fermeture d’une vingtaine de sites. Au plus fort de la crise fin avril, une baisse de l’abattage de 38 % a été enregistrée pour les bovins. Ce qui a amené le président Trump à mobiliser le « Defense production act » qui « contraint » à remettre les sites en production. Mi-juin, la capacité d’abattage était revenue à 95 % de sa valeur par rapport à juin 2019. Un impact pérenne sur la production de viande bovine est prévu en raison des aménagements nécessaires pour la sécurité des travailleurs. Sylvain Maestracci, conseiller affaires agricoles à l’ambassade de France aux États-Unis


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