« C’est bon parce que c’est naturel ». Voilà donc un poncif abusif. Quoi de plus naturel en effet qu’un mildiou qui ravage la pomme de terre, qu’une ciguë qui terrasse une vache ou un coronavirus qui vous cloue au lit… et vous entraîne jusqu’à la mort. Naturelle, elle aussi ! Quoique. Pas au sens étymologique, puisque le mot « nature », dérivé de « naître », est l’exact contraire du trépas. Bref, la prétendue vertu universelle du « naturel » semble donc davantage le produit d’un concept intellectuel qu’une bienveillance originelle de la nature. Mais le concept intellectuel autour du « naturel » se vend bien. Particulièrement dans l’alimentation.
On peut s’étonner que les individus contemporains se conforment sans résistance à la doxa de cette injonction de devoir choisir entre le « bon » (naturel) et le « mauvais » (artificiel) ; et sans doute subconsciemment entre le « bien » et le « mal ». Or, chacun sait dans son for intérieur que les choses ne sont pas si simples. Le naturel peut être bon pour la santé, mais éthiquement insupportable. Par exemple, quand une main-d’œuvre est exploitée pour produire du bio comme l’ont révélé des reportages sur la production maraîchère en Espagne.
Une chose est sûre : la démission collective de l’esprit critique rend la partie facile pour les acteurs économiques dont le penchant « naturel » est d’exploiter l’absence de discernement pour se faire de l’argent. Peut-on le leur reprocher ? Non. Ce que l’on peut regretter, c’est que l’esprit critique semble trop rarement en éveil dans notre société du XXIe siècle ; une mise en sommeil accentuée par un web devenu l’artisan de la promotion du dérisoire. Il a donc urgence d’inciter notre société à retrouver l’esprit critique. Parce que cette disposition ne semble plus naturelle.