Mon premier, Alan Eouzan, a repris la petite ferme de son oncle pour cultiver des légumes de plein champ. Mon second, Sébastien Galiana, l’a rejoint pour créer un atelier de maraîchage diversifié. Mon tout constitue un attelage original capable de s’adapter rapidement à l’évolution de la demande. Symbiose maraîchère !
Grand soleil sur la Ville Callé. Devant la serre où se prépare la vente hebdomadaire, les clients, parfois masqués, attendent en une file indienne espacée… Crise sanitaire oblige, Sébastien Galiana a pris ses dispositions, installant même des parasols sur le chemin pour que les personnes puissent se mettre à l’ombre : « On les accueille une par une dans la serre et c’est uniquement Marion qui manipule les légumes, moi, je m’occupe de la caisse ».
Poussant une brouette de choux-fleurs, Alan Eouzan vient approvisionner les étals, puis il repart gérer le stationnement des clients continuant d’arriver. Certes, chacun des associés gère son propre atelier, mais l’entraide est de rigueur : « L’hiver, quand mes terres sont en couvert végétal, j’assiste Sébastien pour préparer ses marchés, lui, me donne un coup de main pour les semis ou les récoltes ».
Trait d’union et Réunion
Si Sébastien est installé en maraîchage diversifié, Alan, lui, produit ses légumes en gros : « Quand j’ai repris l’ancienne ferme de mon oncle en 2015, j’ai placé ses terres en jachère pour deux raisons : prendre le temps de mener à bien mon parcours d’installation et ne pas me fermer la porte à une exploitation bio ». Préférant les plantations à l’élevage, Alan (qui ne disposait que de 15 ha) s’est orienté vers des cultures à forte valeur ajoutée – « légumes plutôt que céréales ! » – et a démarré son exploitation maraîchère bio avec une production mécanisée, exclusivement vendue à des grossistes.
Entre-temps, il a croisé la route de Sébastien, Catalan fraîchement débarqué de la Réunion. Technicien de maintenance, Sébastien, qui a suivi sur l’île une formation d’horticulture, s’est découvert une véritable passion pour le végétal. « Mais trouver des terres cultivables à la Réunion relève de l’exploit, je n’ai pu y concrétiser le moindre projet… ».
Alan lui propose alors de devenir son associé : « Je disposais de microparcelles difficiles à valoriser dans mon système. Sébastien pouvait y monter un atelier de maraîchage diversifié et installer ses serres à la Ville Callé ». Nous sommes en mai 2018 : l’EARL de Kerfrançois est née.
Et tandis qu’Alan se met à récolter oignons, pommes de terre et brocolis en plein champ, Sébastien remplit ses cagettes de tomates, courgettes et poivrons pour les vendre sur les marchés ou directement à la ferme…
Volonté commune
Alors, la vie en rose ? Loin de là ! Sébastien et Alan savent qu’avoir su saisir l’opportunité de travailler ensemble ne garantissait en rien le succès de l’opération. Ils ont longuement échangé avant d’unir leur destin professionnel : « Au début, on parlait de nos projets respectifs en pensant qu’on n’était pas sur la même longueur d’onde, se souvient Alan, mais quand on a abordé les méthodes de production, on a compris ce qu’on avait en commun : la volonté de faire du bio, de travailler en rotation, de respecter les sols… ».
Dès lors, le défi se résume à une question : peuvent-ils vivre à deux sur 15 ha ? Manifestement : oui.
À les écouter se raconter, on comprend que la réussite de l’entreprise repose avant tout sur une très bonne entente et cette complémentarité des deux ateliers qui offre une remarquable souplesse d’adaptation (lire encadré).
[caption id= »attachment_47949″ align= »aligncenter » width= »720″] La vente se prépare dans une des serres de Sébastien, Alan participe à la mise en place des légumes et gère le stationnement.[/caption]
Fournir la restauration collective
C’est Agathe Perrin, chargée de mission à la maison de la bio 22 qui les a suivis sur ce projet : « Mon rôle consiste à évaluer l’offre territoriale en recensant les producteurs et à les accompagner sur le plan administratif et organisationnel. Reconductible trois ans, cette contractualisation a de quoi les rassurer. Mais toute la difficulté, pour nous, est de trouver des producteurs qui soient intéressés par ce type de marché en demi-gros, souligne-t-elle. Ni les maraîchers diversifiés qui travaillent essentiellement au détail, ni les légumiers qui traitent de gros volumes peuvent y répondre efficacement. Avec son système intermédiaire, l’EARL de Kerfrançois devrait bien s’y adapter ». « On espère être retenu, poursuit Sébastien. Deux nouvelles serres vont nous permettre d’augmenter les volumes en tomates, courgettes et on a déjà prévu 6 000 m² supplémentaires pour répondre à ce nouveau marché ». Ne leur reste plus qu’à bien intégrer le coût de la logistique aux prix de vente. « Notre modèle est peu courant, reconnaît Alan. D’ordinaire deux producteurs comme nous, ça fait chambre à part ! ». C’est pourtant bien cette spécificité qui semble faire leur force : être à la fois autonomes sur leur atelier et complémentaires dans leurs pratiques pour pouvoir se positionner au mieux sur cette demande de proximité en plein essor.
Attelage pertinent
« On se parle, on échange en permanence, ça aide à la prise de décision. Chacun donne son avis, fait profiter l’autre de ses connaissances et de ses savoir-faire : optimisation des sols, attaques parasitaires, sélection des plants… Et puis, chose importante, on a mis en commun nos réseaux professionnels et personnels ». De quoi être plus réactif pour se sortir d’une impasse.
Mais c’est sans nul doute sous l’angle de la complémentarité des pratiques que l’attelage Sébastien – Alan prend tout son sens : « Parce qu’elles peuvent se rejoindre et se compléter aussi bien en production qu’en commercialisation, analyse Sébastien. Si j’ai démarré sur un modèle de jardin-maraîcher, il a vite évolué en intégrant la part de mécanisation que permettait le matériel d’Alan ».
Ainsi, quand l’EARL investit dans une planteuse automatique (photo principale), Sébastien sait qu’il va aussi pouvoir en profiter, même si la machine répond d’abord aux besoins d’Alan : « Optimiser l’équipement en matériel, c’est pour nous, trouver ce juste équilibre entre mécanisation et main-d’œuvre ».
Même logique pour la commercialisation des légumes : « On vend en circuit court une partie des légumes qu’Alan produit en plein champ, avec une bien meilleure marge, évidemment… ».
Sébastien, s’interrompt, son portable vibre dans sa poche. Encore un nouveau client qui appelle : « Ça n’arrête pas en ce moment. Cette crise sanitaire va, de façon évidente, booster les circuits courts… ». Nul doute que les deux associés sauront s’y adapter, quitte à augmenter sensiblement les surfaces qu’ils consacrent à la vente sans intermédiaire.
Pierre-Yves Jouyaux
Pour en savoir plus :
•EARL de Kerfrançois, Maraîchage bio – La ville Callé – 22 590 Pordic
•Alan Eouzan, 06 87 74 62 29
•Sébastien Galiana, La Ville Nature 07 89 36 52 10, www.lavillenature.fr
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