Sur cette petite île au large de Paimpol, une jeune éleveuse laitière s’est récemment installée avec 8 vaches de race jersiaise. Une gageure, sur un territoire où l’activité agricole avait presque disparu.
« Allez Namibie ! Avance ». En ce petit matin frais d’automne, les vaches d’Anne-Laure Auffret rejoignent leur prairie pour la journée. Sur le sentier côtier, quelques randonneurs observent le petit troupeau avec curiosité. Arrivées du continent fin 2018, les huit Jersiaises, dont deux génisses, se sont bien adaptées au doux climat de l’île de Bréhat. « Je les ai choisies pour leur rusticité. Elles vivent dehors toute l’année et vêlent au champ », explique Anne-Laure. Levée aux aurores, l’éleveuse les a traites sur place, à l’aide d’un chariot de traite mobile. « J’ai opté pour la monotraite. C’est plus simple. Et le beurre est plus concentré en matière grasse. »
« Je voyais la ferme qui disparaissait petit à petit »
Anne-Laure Auffret, 41 ans, a de l’énergie à revendre. Après avoir travaillé une vingtaine d’années en hôtellerie-restauration sur son île natale, Anne-Laure Auffret décide en 2017 de prendre un virage professionnel radical et de s’installer en élevage laitier. « Quand ma fille nous a annoncé ça, on a été très surprises ! », raconte sa mère. Anne-Laure Auffet n’est pourtant pas une novice en agriculture. Dès son plus jeune âge, elle aidait sa mère et ses deux tantes, qui exploitaient l’une des dernières fermes de l’île de Bréhat. « J’en avais marre de mon boulot. Et puis, je voyais la ferme qui disparaissait petit à petit. En décembre 2017, j’ai démissionné de mon travail », raconte Anne-Laure. Elle suit alors une formation proposée par la Chambre d’agriculture et fait un stage dans une exploitation laitière spécialisée dans la transformation.
« Je savais déjà faire pas mal de choses, j’avais beaucoup appris avec mes tantes, mais j’avais besoin de réactualiser mes connaissances », précise-t-elle. À son installation, en plus de la Dotation jeune agriculteur (DJA), Anne-Laure reçoit une aide supplémentaire de 6 000 €, pour pallier les surcoûts liés à la vie insulaire. Elle bénéficie aussi de l’Indemnité compensatoire handicap naturel (ICHN), une aide qui soutient les agriculteurs installés dans des territoires où les conditions de productions sont compliquées du fait des contraintes naturelles. « Avant, elle était plutôt destinée aux paysans en montagne. Maintenant, les agriculteurs insulaires peuvent aussi en bénéficier », précise la jeune femme. Son initiative est un véritable pari. Après avoir été une activité primordiale sur l’île, l’agriculture est en effet devenue une activité mineure : le taux d’occupation du territoire est aujourd’hui parmi les plus faibles des îles du Ponant.
12 ha de terres sur l’île
Car sur une île, tout se complique. Première difficulté : construire un bâtiment agricole est quasi impossible, en raison de la loi Littoral et de la proximité des habitations. Anne-Laure est toutefois parvenue à transformer un ancien hangar en laboratoire de transformation et lieu de vente. Avec ses 8 vaches laitières, la production de lait s’élève à 70 litres par jour en période estivale. Tout le lait est transformé sur place en beurre, crème, confiture de lait ou caramel au beurre salé. Les produits sont vendus en direct à la ferme. En cette matinée automnale, les clients arrivent petit à petit. « Cet été, comme il y avait beaucoup de touristes, il y avait parfois une queue de plus de 30 personnes ! », raconte sa mère.
L’île, qui compte 341 habitants, accueille de nombreux estivants durant l’été. Ici, plus de trois maisons sur quatre sont secondaires. L’accès à la terre est d’ailleurs difficile. Anne-Laure Auffret dispose toutefois d’une douzaine d’hectares de prairies, dont la moitié appartient à ses tantes. « Le reste, ce sont d’autres propriétaires qui me les prêtent. C’est un contrat oral, comme souvent sur les îles », raconte-t-elle. En observant ses petits veaux qui galopent dans leur champ, Anne-Laure sourit. « À terme, il me faudrait 12 vaches. Je ne suis pas en bio mais mes vaches sont à l’herbe toute l’année. En faisant tout sur place, mon empreinte carbone est très faible. En plus, nous, les paysans, nous entretenons l’île et luttons contre la friche. On joue un rôle sur le paysage », explique-t-elle. Dans leur prairie, non loin de là, ses vaches broutent en jetant, de temps à autre, un œil sur les derniers touristes qui arpentent le chemin côtier.
Des paysans dans les îles bretonnes
Anna Quéré
BIRAULT
Bravo à Anne-Laure Auffret pour son courage et sa détermination. L’installation des agriculteurs dans les îles est souvent un véritable parcours du combattant. Vous évoquez le problème des bâtiments qui est récurrents du fait des différentes réglementations mais aussi du fait que les bâtiments agricoles (maison et hangar) ont été transformés en résidences principales ou secondaires. Pour s’installer, il faut presque toujours tout construire de nouveau.
Depuis plusieurs années, des agriculteurs, associations, municipalités des îles ont créés un réseau le RAIA (Réseau Agricole des îles Atlantiques). Ce réseau apporte son soutien, expertise, conseils aux porteurs de projets, élus, … (https://raia-iles.fr/).