En France, plus d’un million d’échantillons ont été génotypés depuis l’ouverture de la sélection génomique aux éleveurs en 2011. Santé, efficience alimentaire, croisement… Le nombre de caractères qui peuvent être sélectionnés augmente et va continuer dans ce sens.
« La sélection génomique permet de prédire le potentiel génétique d’un animal pour un caractère à partir d’une information moléculaire, c’est-à-dire à partir de la lecture et de l’interprétation de fragments du génome (ADN). Elle permet d’obtenir des index précis dès le plus jeune âge des animaux », rappelle Clotilde Patry, directrice opérationnelle de Valogène, société en charge de la valorisation de l’information génomique rattachée à Allice (fédération des entreprises de sélection).
Parenté, gènes d’intérêt ou anomalies génétiques
« La génomique a constitué une révolution pour les schémas de sélection mais aussi pour les éleveurs, leur fournissant un outil de gestion du renouvellement et des accouplements. Elle leur permet aussi d’obtenir des informations sur la parenté, les gènes d’intérêt ou les anomalies génétiques », a-t-elle souligné à l’occasion d’un point presse mettant à l’honneur le 400 000e génotypage réalisé par Evolution, sur le Gaec Cadro (44).
La coopérative a commencé à utiliser le génotypage en 2010, autour des schémas de sélection. L’utilisation par les éleveurs s’est développée à partir de 2013. « C’est devenu un outil d’aide pour la précision des accouplements et le tri des femelles. Il sert aussi à résoudre des problèmes de filiation, souvent dus à des erreurs de bouclage », explique Jean-Yves Dréau, directeur général adjoint Evolution.
Outil de pilotage du renouvellement
Aujourd’hui, le génotypage est « un outil de pilotage du renouvellement avec l’utilisation de semence sexée sur les meilleures femelles et du croisement viande sur les animaux ne correspondant pas aux objectifs de l’élevage. » Grâce à des économies d’échelle notamment, son coût a baissé, passant de 140 €/analyse en 2010 à 39 € aujourd’hui (34 € pour un balayage du troupeau). En France, 10 % des éleveurs utilisent le génotypage en systématique, 10 % y ont recours sur plusieurs de leurs génisses et 80 % ne génotypent pas. « Une marge de progrès existe. Il y a un retour sur investissement pour les éleveurs. »
De nouveaux caractères peuvent être sélectionnés aujourd’hui : la santé du pied est disponible en Normande (en plus de la Holstein), la durée de gestation permet de mieux maîtriser l’IVV (elle est exprimée en jours d’écart à la moyenne raciale), l’homogénéité de descendance permet d’identifier les taureaux qui transmettent une qualité de manière plus homogène, l’efficience alimentaire commence aussi à être approchée.
Si le génotypage des femelles de races bovines a commencé en 2011 en France, l’aventure de la sélection génomique avait débuté dix ans auparavant avec la simulation de ce concept par Meuwissen et al. « En 2008, les premières puces de génotypage à haut débit ont été mises à disposition. En parallèle, une population de référence de 3 200 taureaux a été constituée. 2009 voit la création du consortium EuroGenomics et les premiers index génomiques deviennent officiels », note Clotilde Patry.
Une dimension européenne
« Initialement, la sélection génomique était un pari un peu fou. Mais elle est à l’origine de changements importants dans les entreprises de sélection et dans les élevages. Elle a pu se développer grâce à des équipes scientifiques pionnières et une volonté politique forte. Ensemble, ils ont su donner une dimension collaborative et européenne à cet outil. »
« La collaboration a commencé en 2009 avec la mise en commun d’une population de référence entre des entreprises de sélection de plusieurs pays (Danemark, Suède, Finlande, France, Pays-Bas et Allemagne) dans l’objectif d’améliorer la fiabilité. Des entreprises espagnole et polonaise nous ont rejoints en 2011 et 2012. En 2013, nous avons mis en place une puce ayant un meilleur rapport qualité/prix. Au total, près de 4 millions de génotypages ont été réalisés », souligne Soren Borchersen, président d’Eurogenomics et directeur R & D de Viking Genetics.
« Aujourd’hui en Scandinavie, la tendance de management de la reproduction est la suivante : toutes les génisses du troupeau sont génotypées, de la semence sexée est utilisée sur les 30 % les mieux classées et des croisements viande sont réalisés sur les 50 à 70 % moins bien classées (Bleu, Charolais, Inra 95…) », témoigne Soren Borchersen.