Dans un monde mouvant, les coopératives s’adaptent. Jean-François Appriou, nouvellement réélu lundi 12 octobre à la tête de la Coopération agricole Ouest, et Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, expliquent comment ils misent entre autres sur le plan de relance pour aider les coopératives à affronter l’impact de la crise sanitaire et se préparer aux évolutions de demain.
Que va apporter le Plan de relance pour le monde agricole ?
Dominique Chargé : Lors de cette crise de la Covid-19, nous pouvons être fiers de l’engagement et de la mobilisation des agriculteurs et salariés de l’agriculture et de l’agroalimentaire, pour l’approvisionnement de la chaîne alimentaire, montrant ainsi la robustesse et la résilience de nos modèles. Mais le monde coopératif agricole a aussi beaucoup souffert, devant se réadapter en permanence face à l’absentéisme sur les chaînes de production, faisant face à des demandes accrues de certains produits par les clients et des surcoûts inhérents à la mise en place des procédures de protection sanitaire. De nouvelles contraintes qui entament les comptes d’exploitation des coopératives qui ne sortent pas indemnes de cette crise qui perdure avec une consommation en berne en Restauration hors domicile (RHD). Et qui s’ajoutent parfois aux effets structurels liés au climat et aux problèmes de retrait de solutions de traitement sans alternatives sur certaines cultures…
Alors oui, le plan de relance est une nécessité. Nous avons été sollicités lors de la négociation de ce plan. Certains avaient des doutes quant à nos besoins puisque nous avions continué notre activité pendant le confinement. Mais nous en avons peut-être encore plus besoin que d’autres, pour passer ce cap et répondre aux grands défis qui nous attendent : climat, décarbonation, attentes sociétales…
Jean-François Appriou : Nous devons continuer à être acteurs, créer des liens, – dans un monde où la vie continue en visioconférence ! –, pour recentrer les problèmes de nos adhérents dans cette gestion de crise. Et nous sommes prêts à relever le défi lancé par Emmanuel Macron lors de sa venue en Bretagne en avril 2020, pour assurer la souveraineté alimentaire.
Et nos attentes vont au-delà de l’aspect financier du plan de relance. Nous devons développer des messages forts auprès du consommateur pour expliquer le surcoût de notre alimentation qui va de pair avec une garantie sanitaire et gustative, mise en exergue par le ministre de l’Agriculture lors de la présentation de ce plan. On a compris cette feuille de route, on est prêt à y répondre, mais pas en permanence au prix le plus bas… Tout a un prix.
Un prix qui n’est pas toujours à la hauteur des coûts de production…
D.C. : La Coopération agricole a, en plus des mesures d’urgence présentées pendant la crise, appuyé 30 mesures pour restaurer la souveraineté alimentaire tout en accélérant la transition agro-écologique. Les deux doivent être conduites en même temps, avec le soutien de budgets publics et la valeur de la production. Car la production agricole ne doit pas être la variable d’ajustement : l’agriculture ne doit pas supporter le coût de la crise économique qui va suivre cette crise sanitaire ! Et on ne doit pas laisser se profiler une production française haut de gamme et un approvisionnement importé – voire l’aide alimentaire – pour ceux qui ne pourront pas s’offrir une origine France !
La production agricole doit s’adresser à l’ensemble des Français, à sa juste valeur.
On devra aussi être accompagné pour récupérer les marchés “perdus” : si, par exemple, 1 tomate sur 2 était produite en France il y a 20 ans, cela ne concerne plus qu’une tomate sur 6 alors que la consommation augmente…
J.-F. A. : Produire l’alimentation des Français, c’est notre premier métier. Un métier critiqué tous les jours par tout un chacun qui se décrète compétent pour donner son avis. L’agriculture est devenue un débat de société. On critique nos façons de produire, certaines segmentations de produits, mais rappelons qu’un produit qui n’a pas de marché disparaît instantanément. S’il est toujours commercialisé, c’est qu’il y a un acheteur…
Une production locale, au juste prix, du bien-être animal… Le consommateur est de plus en plus exigeant.
J.-F. A. : Effectivement, on doit s’adapter à un nouveau marché et au contexte dans lequel on produit : on n’est plus dans un marché à flux poussé, mais dans un marché à flux tiré, dicté dorénavant par les besoins du consommateur. Cela sous-entend aussi qu’on va aussi vers plus de contractualisation, plus de chartes…
D. C. : La biodiversité, le climat… on y travaille déjà. La notion de bien-être animal s’affine au fil de l’eau avec des influenceurs puissants. Sur ces dossiers, la coopération agricole aura certainement à prendre une part plus importante que celle qu’elle a prise jusqu’à présent. Pour proposer des solutions adaptées et réalistes, il faut rechercher une forme de stabilité pour donner du sens au métier d’agriculteur et assurer la transmission de nos exploitations.