« Les exploitations agricoles continueront de fonctionner ». C’est le président de la République qui l’a dit lors de son discours télévisé du 25 octobre. Vu d’une ferme, une telle lapalissade prête à sourire. Ce n’est pas le chef de l’État qui peut en effet décider s’il faut nourrir les cochons, traire les vaches ou donner à boire aux veaux. Car il n’y a pas que les Français qui savent protester. En son genre, la basse-cour affamée sait aussi donner de la voix. Mais visiblement la haute-cour sait aussi se faire entendre. À pas feutrés elle. Quand les 500 plus grands groupes de la Planète contrôlent 40 % de l’économie et deux tiers du commerce mondial, pas besoin de beugler pour qu’un fer à repasser devienne un objet essentiel… Au moins les Bretons se consoleront-ils de savoir que le beurre salé n’a pas été frappé du sceau de « non essentiel ».
Du beurre salé, mais à quel prix ? Car le contexte économique à venir ne va pas faciliter l’aboutissement des négociations commerciales en cours entre fournisseurs et distributeurs. Les effets de la crise étant attendus pour 2021, le président sera inévitablement sensible à toute augmentation de prix dans les rayons. Et ceci au grand dam de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) qui estime avoir perdu « 8 points de marge en 10 ans ». Et les agriculteurs dans tout cela ? Ils ne demandent rien d’autre que l’essentiel : que leur travail soit payé au juste prix. Fin septembre, Daniel Perrin, secrétaire général de la FNPL, promettait « de déconfiner les tonnes à lisier et les épandeurs à fumier pour se faire entendre ». Trop tard : le pays est confiné à double tour pour préserver l’essentiel pas toujours essentiel. Paysans, retournez à vos veaux, vaches, cochons, couvées. C’est le président qui l’a dit.