Portée par la passion du métier, quand Véronique(1) s’est retrouvée seule sur son exploitation il y a 3 ans, elle a souhaité continuer ce qu’elle avait construit avec son mari, pour ses enfants, sa famille et ses salariés.
La fonction de chef d’entreprise, quel que soit le secteur d’activité, entraîne une forme de solitude, qui peut être acceptée voire recherchée, mais qui reste pesante face à des choix d’investissements importants. Et il y a des solitudes qui ne sont pas choisies. La vie n’étant pas un long fleuve tranquille, les aléas peuvent frapper tout un chacun, à l’image de Véronique qui s’est retrouvée veuve à 46 ans, sur une ferme bretonne de 100 ha avec 110 vaches laitières.
La force des racines
« Durant les deux années de maladie de mon mari pendant lesquelles le départ d’un des 3 associés a impliqué l’embauche d’une salariée et d’un contrat de professionnalisation, je ne me suis posé aucune question. J’ai foncé », témoigne-t-elle. Pour elle, ses proches et ses salariés. Mais surtout ses 3 enfants, « pour lesquels la ferme représente toutes leurs racines ». Décidée, passionnée par son métier, elle a continué à moderniser la structure et a maintenu les projets en cours dont le rachat d’une exploitation avec un poulailler de 1 500 m2 et 35 ha de terre.
Une réorganisation du travail nécessaire
De trois associés, elle s’est retrouvée du jour au lendemain seule à la tête de l’exploitation. « Certes, on était toujours à 3. Et même si mes salariés étaient impliqués, sérieux, autonomes, discrets… avec toutes les qualités que je pouvais espérer, deux salariés ne remplacent pas deux associés ». Pour pallier la charge de travail, elle a dû démissionner de ses obligations extraprofessionnelles, en plein mandat, au sein de sa commune et envisager une nouvelle organisation du travail. Il fallait gérer seule, l’élevage, les cultures, les pannes sur le matériel, la partie administrative… À trois associés, chacun gérait son atelier. Il a donc aussi fallu réapprendre certains métiers. « Pour moi, c’était tout ce qui tournait autour des cultures. » L’élevage des génisses a aussi été délégué à l’extérieur. Et elle a investi dans des robots de traite : « Pour gérer le temps de travail sur la semaine, mais aussi le week-end, quand je me retrouvais seule sur l’exploitation avec mes enfants. C’était mon choix, mais avec un coût énorme à supporter… »
Sortir du tunnel
Un an après le décès de son conjoint, le rythme de croisière semblait être trouvé, quand la salariée saisit une opportunité pour s’installer. « C’était prévu, mais sans date précise. C’était de la main-d’œuvre en moins mais aussi une belle relation au quotidien ». Il a alors fallu entamer ce parcours du combattant pour trouver un nouveau salarié.
Elle décrit avoir vécu ces trois années comme si elle était « dans un tunnel sombre », à gérer le quotidien comme elle pouvait, avec la hantise de toujours oublier quelque chose d’important. « Une période difficile à traverser, mais la famille, les amis, des voisins, des techniciens et partenaires de l’exploitation, m’ont permis d’entrevoir de temps en temps un rayon de lumière dans ce tunnel. J’ai aussi eu le soutien de mon médecin, à qui je pouvais envoyer nuit et jour des SMS et qui trouvait les mots pour me réconforter. Toutes ces personnes ressources ont compté énormément. Mais de ce tunnel, je n’en voyais pas l’issue ». Trois années le « nez dans le guidon » pour gérer les tracas du quotidien, avec un cerveau en ébullition constante, sans pause, si ce n’est le bol d’air « indispensable » du mercredi soir pour une activité sportive et une à deux semaines de vacances par an avec les enfants.
Des jugements qui font mal
« Le pilier de l’exploitation, de la famille, c’était moi. Il ne fallait pas que je me renferme et que je m’apitoie sur mon sort pour ne pas faire fuir mes relations familiales et professionnelles. Mais au quotidien, inutile de vous dire qu’il fallait se faire parfois violence pour se montrer forte. Je ne voulais pas être plainte. J’ai pu compter sur des gens formidables autour de moi. Je ne voulais pas dépendre d’eux, mais je savais que si j’avais besoin, ils étaient là. D’autres, au contraire, n’ont pas compris que je ne leur fasse pas appel et ont jugé ma réorganisation… Par jalousie ? Ne pas trop demander aux autres, c’était une façon de me protéger. Car seule, on devient vulnérable. »
La lumière est enfin apparue quelque temps plus tard, avec l’arrivée d’un compagnon dans sa vie, avec qui elle pouvait à nouveau échanger et qui l’a rejointe comme salarié sur l’exploitation. « Un appui qui m’a permis de sortir de cette spirale où j’avais l’impression que je n’étais jamais tranquille et que tout me tombait dessus… »
« Aurais-je eu le courage de tout arrêter ? »
(1) Prénom d’emprunt
armand touze
un reportage poignant et courageux ,qui montre l amour de la famille du travail et du respect de l amitié pour certaines personnes et la jalousie pour d autres
Beaucoup de reportages comme celui la devraient étre publiés et des médailles délivrés pour le courage ; ce n est pas toujours le cas ???