Le conseiller Régis Le Carluer imagine que la fabrication d’hydrogène à la ferme pour faire tourner un véhicule pourrait être opérationnelle à horizon 2025 à 2030. Une énergie verte offrant de nouvelles opportunités.
Depuis quelques années, il existe en France des bus qui fonctionnent grâce à des piles à hydrogène. En agriculture, le fabricant New Holland avait fait beaucoup de bruit en présentant au Sima, en 2009, un prototype de tracteur tournant à l’hydrogène gazeux équipé de deux moteurs électriques. Depuis, le concept n’a pas encore été déployé dans les exploitations, freiné par le coût et la performance dans le temps des piles à combustible et le manque de disponibilité de dihydrogène produit sur le terrain.
[caption id= »attachment_52212″ align= »alignright » width= »276″] Régis Le Carluer, conseiller énergie et référent sur le dossier hydrogène à la Chambre d’agriculture de Bretagne.[/caption]
« Aujourd’hui, techniquement, on sait produire de l’hydrogène à la ferme par électrolyse. Cela nécessite simplement de l’eau et une forte quantité d’énergie électrique. Mais le capital à investir dans un système de conversion de l’électricité vers l’hydrogène reste trop élevé », explique Régis Le Carluer, ingénieur conseil spécialisé sur les questions énergétiques à la Chambre d’agriculture de Bretagne. Néanmoins, l’observateur imagine pourtant un avenir pour cette filière propre (l’électrolyse de l’eau dégage de l’hydrogène et de l’oxygène) qui pourrait devenir « compétitive » à moyen terme en agricole. « Ce pourrait être une 2e révolution industrielle après la première, celle du solaire, démarrée en 2005. »
Le solaire va emboîter le pas de l’éolien
Régis Le Carluer entrevoit notamment une opportunité pour continuer à valoriser les centrales photovoltaïques amorties à l’image du secteur du grand éolien qui s’intéresse déjà à l’hydrogène (voir encadré) pour prolonger l’activité des premiers parcs. « D’ici 5 à 10 ans, les premiers contrats de 20 ans de rachat en solaire arriveront à échéance. Les agriculteurs pourront continuer à faire tourner leurs centrales et envoyer de l’électricité vers le réseau. Mais à quel tarif ? L’autre option serait la production d’hydrogène à la ferme par électrolyse de l’eau ! » À cette échéance, la technologie sera peut-être mature en termes de coût d’investissement. « Dans ce cas, à l’image d’un téléphone qu’on reconditionne, le propriétaire pourra remettre en état son installation : changer certains panneaux, remplacer les onduleurs… et installer un système d’hydrolyse pour produire et stocker de l’hydrogène fabriqué à partir du soleil. »
La moitié de la puissance solaire dans les roues
Pour donner un ordre d’idée, le spécialiste estime qu’une centrale photovoltaïque en toiture de 100 kW équivaut à une puissance de 130 CV en instantané en équivalent traction. « Sauf qu’au moment de la fabrication de l’hydrogène par électrolyse, on en perd environ 25 % et encore 25 % pour de nouveau transformer l’hydrogène en électricité au niveau du moteur. À l’arrivée, on dispose d’une puissance de 65 à 75 CV de traction dans les roues », détaille le spécialiste. Avant de préciser : « Mais le gros avantage est qu’une centrale photovoltaïque en Bretagne fonctionne à cette puissance pendant au moins 1 100 heures par an ! Dans ce cas, l’hydrogène stocké à la ferme pourra faire tourner un tracteur de 130 CV pendant 600 heures par an… »
Actuellement, les véhicules de tourisme électriques vendus sur le marché fonctionnent à l’aide de batteries mises au point à partir de terres rares. « L’approvisionnement en ces matières premières est impactant d’un point de vue environnemental. Alors à terme, si les fabricants de véhicules à traction électrique jouent le jeu, l’hydrogène devrait trouver peu à peu sa place. D’autant que cette technologie permet d’alimenter des engins de forte puissance », rapporte Régis Le Carluer. « Et un jour, le voisin viendra faire le plein de gaz de sa voiture à la ferme. Mais quand ? »