On se fait fort d’annoncer des changements dans tous les domaines. Le changement de système ou de modèle est un classique pour l’agriculture ; le changement de paradigme – formule très à la mode – vaut fréquemment pour l’évolution du modèle économique et de consommation. Et puis, il y a bien sûr le changement climatique. Bref, à tout niveau, le monde change… ou, du moins, est promis au changement. Ce mot « changement » utilisé à toutes les sauces est-il inapproprié ? Il apparaît plutôt mal compris, mal interprété. Les changements dont on parle tant ne sont pas à confondre avec de simples évolutions, de petits aménagements à la marge. Le changement, qu’il soit agricole, sociétal ou climatique, incarne une idée de cassure et de construction de nouveaux repères. Quand les experts invitent à changer, ils invoquent l’idée de retournement, comme on retourne la terre pour faire place nette, pour repartir sur de nouvelles bases. Le mot latin « convertere » qui a donné « changer » est d’ailleurs chargé de cette notion de renversement, de bouleversement. Il a donné le mot sillon (versus). Ce sillon à chaque bout duquel on tourne… sans retourner dans ses pas. Chaque sillon est en effet unique ; la charrue n’y rencontre pas la même terre, les mêmes cailloux, à l’image de son frère linguistique, le vers d’un poème (versus aussi) qui véhicule un message différent à chaque ligne d’écriture. Littéralement, tracer un nouveau sillon est donc une rupture dans sa façon de penser, dans sa façon de faire. Et c’est là foncièrement toute la difficulté qu’incarne un vrai changement, qui, pour être couronné de succès, doit se nourrir de curiosité, d’ouverture d’esprit et d’audace… le contraire même de la dénégation, de la crainte et de la frilosité qui n’ont jamais arrêté le changement….
Changement