Auparavant il n’y avait pas de panneau indicatif à chaque entrée de chemin rural. Il n’y en avait pas besoin. Les habitants de la campagne connaissaient tous les villages voisins. Il suffisait à l’automobiliste « perdu » de baisser sa vitre pour s’entendre dire : « Première à droite, deuxième à gauche… juste après le petit pont ». Suivi parfois d’une précision supplémentaire inattendue : « Si vous allez chez Louise Kergoat, vous ne la trouverez pas : elle n’est pas chez elle aujourd’hui ». Mieux que le GPS et les réseaux sociaux réunis ! Aujourd’hui, les pancartes foisonnent dans la campagne, mais plus personne ne sait où se situe tel ou tel village. Adieu géographie locale. Quant à savoir où habite ce Kevin Costneac’h, « nouveau » depuis 5 ans au moins, n’en parlons pas. Voie sans issue : « Connais pas », peut-on s’entendre dire dans la meilleure des hypothèses… Car bien souvent il n’y a plus grande âme qui vive au bord des routes. Et si par hasard, un tracteur croise votre chemin, vous demeurerez probablement un être virtuel pour le chauffeur là-haut perché, le regard plongé sur son portable. Nous sommes dans l’ère de la communication nous rabâche-t-on à longueur de journée. Mais cette communication, qui s’affuble elle-même d’un turbo de « com’4.0 », est une voie à sens unique qui ne compensera jamais le manque de communion entre humains si manifeste aujourd’hui. Le confinement n’est que l’amplificateur d’un malaise de ce siècle naissant. La vie à la campagne n’y échappe pas. Depuis un an, pour se soustraire à un certain isolement, des agriculteurs prennent des chemins de traverse pour renouer du lien : ils créent des groupes sur les applications de messagerie instantanée. Mais un chat sur écran ne remplacera jamais une agora de bout de champ….
En chemin