« Une traite, cinq ambiances »

dd8424.hr - Illustration « Une traite, cinq ambiances »
La luminosité au sein de l’installation participe d’une bonne ambiance de traite. Attention tout de même aux pare-bouses qui créent des zones d’ombre au niveau des mamelles et au dôme éclairant qui peut transformer l’enceinte en fournaise l’été en l’absence de flux d’air.
Pour Daniel Le Clainche, la question de l’ambiance globale de traite – contrairement aux réglages de la machine, aux gestes ou à l’hygiène très étudiés – a été souvent négligée. Pourtant, il estime que cette ambiance qui renvoie au confort des animaux et des trayeurs conditionne fortement la qualité de la traite.

Vaches qui s’agitent, se dandinent, bousent, urinent, donnent des coups de pied, expriment des difficultés à rentrer ou sortir du quai… « Ces problèmes peuvent être occasionnés par de très nombreux facteurs de risque, seuls ou souvent combinés entre eux. Réglages inadaptés de la machine, présence d’intrus dans la salle de traite ou tout ce qui concerne l’ambiance du bloc traite, un sujet trop souvent négligé », démarre Daniel Le Clainche, référent technique à GDS Bretagne. Des comportements déviants liés à l’inconfort des animaux qui ont aussi des conséquences sur l’éleveur. Éliminer les bouses sur les quais, reposer les faisceaux débranchés par un coup de pied ou faire rentrer ou sortir laborieusement des animaux engendrent une fatigue supplémentaire. « Voire occasionne un stress qui est en plus transmis aux animaux. » Pour les animaux, glissements de manchons ou atmosphère plus tendue provoquent des traites plus longues, voire incomplètes à relier avec un risque sur la santé mammaire et la qualité du lait. Au moment du projet ou dès que ces signes évocateurs sont observés, le spécialiste invite donc à se pencher sur cinq aspects qui participent d’une bonne ambiance de traite.       

Bannir les ambiances électriques

L’absence de tensions de contact dans les salles de traite est impérative, les bovins y étant extrêmement sensibles. « Malheureusement, ce problème n’a rien d’anecdotique. Sur 300 interventions par an, les conseillers trouvent des tensions de contact sur les quais de traite ou au niveau des robots dans au moins 150 élevages », rapporte Daniel Le Clainche. La mise en évidence se fait grâce à un multimètre qui mesure la tension entre les points que touche l’animal avec les pieds et le mufle, le sol et les tubulures notamment. « Au-dessus d’un seuil de tolérance défini autour de 500 mV, la vache bascule dans un état d’inconfort. Cela génère une modification de son comportement qui doit alerter. »

Pour le conseiller, l’origine des tensions de contact renvoie à une fuite électrique sur un équipement souvent associée à une prise de terre défaillante ou une absence de liaison équipotentielle entre les masses. Souvent incriminée, la clôture électrique par exemple devrait être la plus éloignée possible de la salle de traite mais se retrouve encore trop souvent placée dans la laiterie. « Grande prudence aussi autour des chiens électriques dans le parc d’attente qui peuvent générer ces tensions de contact. » Généralement, les mesures correctives à mettre en œuvre consistent à supprimer les fuites électriques sur les équipements, à revoir les liaisons équipotentielles entre les masses en les connectant avec du fil de cuivre et à refaire une prise de terre de qualité présentant une résistance inférieure à 18 ohms.

Baisser le volume sonore

La maîtrise de l’intensité sonore participe également d’une bonne ambiance en salle de traite. Le bruit vient principalement du fonctionnement de l’installation en elle-même. Parfois, celui d’un tracteur ou d’un moulin à farine à proximité s’y ajoute. Concernant l’intensité sonore, le seuil limite établi est de 80 décibels (dB) pour les humains. « Se situer au-dessus engendre une fatigue importante pour les trayeurs. Pour les bovins, nous ne disposons pas de norme, mais on peut penser qu’elle est assez proche. Dans nos audits, nous visons une intensité ne dépassant pas les 65 à 70 dB, mesurée au sonomètre au cours de la traite », détaille Daniel Le Clainche.
Un défaut de pompe à vide, « par exemple un souci au niveau du silencieux, un problème de débit ou de réglage », génère du bruit en salle de traite. L’idéal est donc de placer la pompe dans un local spécifique fermé avec une isolation acoustique. « Dans certains cas, on peut être amené à enfouir l’échappement dans un bidon couvert de terre pour limiter les vibrations sonores. » Les ponts métalliques peuvent aussi s’avérer très bruyants. « En y passant, des primipares nouvelles dans le troupeau provoquent un vrai boucan qui perturbe les autres. » Des amortisseurs ou un tapis dessus peuvent éviter cet écueil. Et la radio en salle de traite ? « C’est plutôt pour un confort pour l’éleveur, une ‘compagnie’. Attention à ne pas dépasser les 65 dB… »

Étouffer les vibrations

[caption id= »attachment_54606″ align= »alignright » width= »315″]dd8425.hr Mesure des vibrations mécaniques dans la tubulure au cours de la traite.[/caption]

« La première fois que j’ai pris conscience des ondes vibratoires mécaniques, j’auditais une traite en rototandem. Je n’arrivais pas à identifier l’origine du comportement déviant des vaches. En posant la main sur la tubulure, j’ai constaté qu’elle vibrait. Gênés en la touchant, les animaux resserraient les pattes, voire tapaient, et les éleveurs avaient des difficultés à les brancher… », raconte Daniel le CLainche. Depuis un an, il s’est équipé pour mieux appréhender le phénomène. Les vibrations mécaniques qui se traduisent par des mouvements au niveau des surfaces ou équipements sont caractérisées par leur fréquence en hertz et leur amplitude (« l’accélération »). Grâce à un vibromètre, capteur spécifique qui présente les ondes vibratoires en un affichage numérique, le spécialiste réalise des mesures pendant la traite aux points de contact entre les parties de l’animal (mufle, cuisses, pieds, queue) et les matériaux (tubulure, pare-bouse, auge, sol…).
Concernant l’activité humaine, il existe des références dans l’industrie ou les hôpitaux concernant les vibrations risquant de perturber des chaînes de production ou la précision d’une opération. « Mais en bovin, le phénomène est très peu documenté. Dans mes mesures, je retrouve un comportement déviant à partir d’une accélération de 0,3 ou 0,4 m / cm2 », confie Daniel Le Clainche. « En élevage, l’origine est presque toujours la pompe à vide : elle émet des vibrations qui sont aéroportées de son socle de fixation jusqu’à la tubulure au contact des animaux. »

Les mesures préventives passent d’abord par un matériel en parfait état de fonctionnement. « Placer des amortisseurs placés sous la pompe à vide et son socle, ainsi qu’entre les platines de fixation des tubulures et les murs, évitent la propagation des ondes vibratoires. »

Associer lumières naturelle et artificielle

Concernant le besoin de lumière, pourtant souvent évoqué, « le compte n’y est pas y compris dans les nouvelles installations », estime Daniel Le Clainche. Pour un environnement de travail adapté, il recommande une intensité lumineuse de 150 lux dans la fosse et un éclairage maximal, se rapprochant des 400 lux, au niveau de la mamelle. « Sur le terrain, j’observe globalement de 100 à 150 lux dans les fosses. Mais au niveau des quais, mes mesures sont souvent en dessous de 50 lux, voire proches de 0 dans certaines TPA munies de pare-bouse… »

Dès le projet, il est important de penser à la luminosité de l’enceinte. « Pour faire rentrer de la lumière naturelle, les plaques translucides en polycarbonate limitant l’effet de serre sont à privilégier, de préférence sur les côtés plutôt qu’en toiture. Proscrire le dôme éclairant au-dessus de la salle de traite pour éviter la fournaise l’été. » Sur les murs et au plafond, favoriser les couleurs claires, « assez peu fréquentes finalement », qui réfléchissent la lumière, la diffusent. Plus globalement, attention aux forts contrastes qui peuvent engendrer des éblouissements et compliquer la circulation des vaches : « Le bovin met quatre fois plus de temps que l’humain à s’adapter à un changement de luminosité. Quand on n’y prend pas garde, cette problématique peut même être cause d’un défaut de fréquentation en robot de traite. » Outre la couleur des surfaces, s’intéresser aussi à l’éclairage du parc d’attente et des couloirs de retour en créant un continuum de même intensité lumineuse afin de fluidifier les déplacements des animaux.

Ensuite, pour l’éclairage artificiel, privilégier aujourd’hui les tubes fluorescents (led). « En nombre suffisant, 1 m à 1,5 m entre deux tubes, ils ne doivent pas être positionnés trop haut. » Entre 2,2 et 2,5 m au-dessus du sol de la fosse, et surtout en dessous des supports de la stalle pour ne pas créer de zones d’ombre. « Enfin, l’idéal est de prévoir dès la construction des spots au niveau des quais ou des rives quand c’est possible. Cet équipement rare apporte pourtant un vrai confort à l’opérateur en termes de visibilité de la mamelle. »

Chasser l’air chaud et vicié

« La température de confort recherchée dans une salle de traite est de 15 ou 16 °C. Disons plutôt entre 12 et 20 °C, quelles que soient la saison et la météo, c’est-à-dire un compromis entre les préférences naturelles du trayeur et des vaches. » L’idéal est un faux plafond isolant (styrodur…) pour limiter les coups de froid en hiver et les coups de chaud en été. À la mauvaise saison, les portails étanches qui suppriment les courants d’air sont recommandés. « Au contraire, en été, on recherchera un flux d’air au niveau des animaux. Des ouvertures latérales via des fenêtres coulissantes ou oscillo-battantes sont alors appréciées. Attention, par contre, au brasseur mécanique : il peut créer un bon rafraîchissement l’été, mais mal utilisé, le trayeur peut aussi prendre un coup de froid. »

Plus globalement, Daniel Le Clainche met en garde contre les ambiances viciées ou irrespirables en salle de traite. « Quand on réalise des mesures, on retrouve assez souvent une hygrométrie très élevée couplée à température aussi élevée, voire une teneur en ammoniac forte. Sans compter les autres émanations qui peuvent être issues d’autres produits comme le peroxyde, les lessives, du lait fermenté…  » À la clé une ambiance pesante et désagréable. Notamment pour le trayeur qui passe 1,5 heure dans la fosse alors que les vaches ne passent que quelques minutes sur les quais. « Les éleveurs trop habitués ne s’en rendent pas toujours compte. Mais en termes de confort respiratoire, voire de santé, ce n’est pas terrible ! À la conception, comme dans une stabulation, il faut donc prévoir une ventilation en appréhendant les entrées et sorties d’air étudiées selon la météo, selon l’effet vent… » Le conseiller recommande un lavage-décapage régulier de l’enceinte pour éviter la formation de biofilm ou le dépôt de substances chimiques.

Ni mouche, ni chien dans la fosse de traite

« Les mouches en salle de traite influent fortement sur le comportement des vaches en salle de traite. Il est indispensable de prévoir un plan de lutte », estime Daniel Le Clainche. Autre intrus à bannir de la fosse : les chiens. « Ces derniers ne doivent surtout pas aller chercher les animaux dans le parc d’attente. Comme nous quand nous apercevons les gendarmes sur la route, les vaches ressentent une petite appréhension face au chien. » Enfin, attention aussi aux « visiteurs » en tout genre (enfants, voisins, clients…) qui débarquent dans la salle de traite, « lieu de production professionnel », avec leurs propres odeurs, leurs timbres de voix, leurs cigarettes… « Si ces passages impromptus sont quotidiens, peut-être que les vaches s’habituent. Mais si c’est occasionnel, cela risque de les perturber. »


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