De l’acier en passant par le polyuréthane ou le bois, les prix des matières premières flambent depuis plusieurs mois. Les délais s’allongent, en ferme, pour débuter certains chantiers.
Le prix de la viande de porc ou des céréales aurait de quoi donner le sourire aux producteurs. Las, le coût des intrants s’envole depuis quelques mois. Cuivre, fer, acier, aluminium, toutes les matières premières sont touchées par l’augmentation exponentielle des prix.
Le cours du pétrole a retrouvé son niveau d’avant crise sanitaire. « L’inox et l’acier ont pris 30 % d’augmentation récemment », indique Sébastien Cueff, directeur de Galvelpor, fabricant de matériel tubulaire pour l’élevage porcin. « Le prix des plastiques et du polypropylène qui entrent dans la composition des cloisons et des caillebotis ont également augmenté, mais dans une moindre mesure. C’est une situation difficile à gérer. La conjoncture risque d’être difficile jusqu’à la fin de l’année ».
Richard Beaurepaire, directeur du groupe Rose, renchérit : « Nous nous approvisionnons essentiellement à l’étranger pour avoir des bois de qualité supérieure, plus résistants. Nos commandes sont honorées jusqu’à présent. Parfois, il peut nous manquer une section ou une longueur mais, globalement, nous n’avons pas été freinés dans notre activité. Par contre, les prix ont explosé. À l’achat, il faut compter 120 à 150 € le m3 en plus, selon l’origine (soit entre 5 et 7 € le m2 de charpente). L’isolant (polyuréthane) a augmenté de 35 % par rapport à l’an dernier ».
Les délais de livraison s’accroissent. « Ils sont passés de 3-4 semaines à plus de 9 semaines. Nous pouvons difficilement répercuter les augmentations sur les affaires traitées ». Galvelpor est parfois en rupture de livraison ; son directeur reprend : « Nos devis sont valables un mois. L’idéal serait de les revoir tous les 15 jours actuellement ».
Demande mondiale
La principale cause est la sortie de crise de la Covid-19, selon les spécialistes des marchés des matières premières. Sébastien Cueff confirme : « L’un de nos fournisseurs, une entreprise italienne, a été fortement touché par la Covid. Un tiers des salariés a, à un moment ou à un autre, été en arrêt ».
Après l’été 2020, la demande chinoise a explosé sur de très nombreux marchés de produits industriels, comme le fer, l’acier et sur les produits agricoles. Cette reprise est désormais relayée par l’économie américaine, dopée par le plan de relance.
Richard Beaurepaire confirme : « Pour le bois, c’est surtout la demande mondiale qui tire les prix. Les États-Unis ont contractualisé avec leurs fournisseurs finlandais et suédois jusqu’à la fin 2022 ». Les plans de relance ont boosté le secteur de la construction ; les maisons sont construites à 80 % en bois. La capacité de production de l’industrie n’est pas encore revenue à un niveau normal.
L’offre fait défaut
« Nous savons qu’une partie des hausses est due à un rattrapage nécessaire de certaines scieries, en difficulté sur le plan financier », poursuit le directeur de Rose, « mais les raisons des augmentations ne sont pas toujours rationnelles ».
Des spécialistes des marchés des matières premières confirment que ce sentiment de pénurie exacerbé n’est pas forcément réel. La demande chinoise, la reprise américaine, voire le blocage du canal de Suez, qui avait perturbé, en mars, le commerce mondial, assuré à 80 % par voie maritime, ont bon dos.
La spéculation n’est pas totalement étrangère aux tensions. Quoi qu’il en soit, les turbulences sont ressenties fortement dans l’industrie, le bâtiment et l’agroalimentaire. Mais aussi dans l’électronique, qui souffre, par exemple, de la pénurie mondiale de semi-conducteurs (puces électroniques), ainsi que la métallurgie
et la chimie. La demande est là ; l’offre se fait attendre. La remise à niveau de la production pourrait prendre encore quelques mois dans certains secteurs d’activité.
Nous stockons des résines
Les matières qui entrent dans la composition des bétons prêts à l’emploi (ciment, adjuvants, agrégats) ont déjà augmenté de 3 à 4 % depuis l’an dernier à la même période. On nous annonce de nouvelles augmentations de 4 %, par exemple, sur le ciment au mois de juillet prochain en raison de l’augmentation des coûts de l’énergie. Pour les adjuvants, la reprise économique en Chine et aux États-Unis en serait responsable. Les fibres métalliques ont également pris 4 % d’augmentation ; les résines époxy, qui entrent dans la fabrication des fosses septiques et des cuves de récupération d’eau de pluie, 6 %, le caoutchouc, 8 %, toujours par rapport à l’an dernier. Pour la résine, nous stockons actuellement car nous craignons des ruptures de livraison.Catherine Haméon, directrice Urvoy à Bégard