Banquier et philanthrope, Albert Kahn (1860-1940) a financé – sans attente de retour – 147 tours du monde à des étudiants entre 1898 et 1931. C’était alors quelque chose d’insolite que de parcourir la planète. Albert Kahn n’attendait rien de ces jeunes femmes et jeunes hommes à qui il octroyait une bourse conséquente. Il leur demandait simplement de fermer leurs livres de papier et d’avoir les yeux grands ouverts sur le livre du monde. Ainsi embarqués d’un continent à l’autre, ces jeunes rentraient transformés à jamais. Devenus adultes à leur tour, cette expérience extraordinaire leur servait toute la vie. Mais surtout, elle ouvrait leur prisme de réflexion au-delà de l’horizon conventionnel que l’on auto-borne trop souvent par ce que l’on sait, trop rarement par ce que l’on ignore. Ouvrir son périmètre d’observation aide à « voir ce qui n’est plus, ce qui a été, ce qui sera, ce qui pourrait être », disait le banquier-philanthrope. Aujourd’hui, chacun pourrait croire que les fenêtres offertes par Internet ouvrent à l’infini les frontières du savoir et multiplient à l’envi les connaissances. Il n’en est rien. Chacun pourrait également croire que l’avion qui permet de faire le tour du monde en quelques jours est une opportunité pour aller vers l’autre, vers l’inconnu. Il n’en est rien. Le farfouillage sur la toile comme le trajet en avion s’arrête bien souvent en bout de piste, dans l’ordinaire bien balisé. Feu l’aventure ! À tel point qu’il y a bien souvent plus à découvrir en arpentant les champs, les yeux grands ouverts sur la nature. Les agriculteurs qui l’ont compris acquièrent la sérénité des sages et l’expérience des humbles pour leur plus grand enrichissement….
Du monde au champ