En produisant de la nourriture, les agriculteurs contribuent à rendre les hommes libres. Car manger à sa faim rend libre. À l’inverse, être privé de nourriture rend dépendant. Et asservit. Les seigneurs féodaux ont longtemps assis leur pouvoir sur ce besoin fondamental de la plèbe de manger. Les dictateurs en ont usé. Staline a intentionnellement amplifié la grande famine ukrainienne de 1932 pour mater les paysans peu enclins à la collectivisation. Son frère de déshonneur, Hitler, a utilisé la même arme de la privation de nourriture pour exterminer les Juifs. Affamer, est une arme à double fin : elle humilie et elle tue. C’est pourquoi, quand vient leur tour d’être contestés, les dictateurs apprécient peu que leurs opposants entament une grève de la faim. Le pain est politique. La pandémie a remis l’alimentation au cœur des priorités de l’Occident libéré de la précarité alimentaire depuis seulement 70 ans. À la peur de manquer des premiers jours de confinement de 2020 s’était progressivement substituée une forme d’achat plaisir. Quand on est privé de liberté, cuisiner permet en effet de s’évader, de voyager sans quitter sa cuisine. Reste que, pour une frange de plus en plus importante de la population, la crainte du frigo vide au 15 du mois s’apparente davantage aux « Festins imaginaires » qu’au repas de roi. Les chiffres sont édifiants : l’aide alimentaire concerne plus de 5 millions de personnes en France. Devoir se rendre à une banque alimentaire est souvent vécu comme une honte. À l’heure où l’Europe se soucie à juste titre de sa souveraineté alimentaire, permettre l’accès à l’alimentation de chacun, c’est asseoir le socle de la liberté individuelle et exhausser collectivement la dignité humaine….
Nourriture et liberté