Rares sont les agriculteurs qui se définissent encore comme fermier. Pour la bonne – ou mauvaise – raison que l’exploitation agricole a supplanté la ferme dans le vocabulaire. Et c’est ainsi que le fermier est devenu « exploitant ». Mais comment la ferme est-elle devenue exploitation agricole ? L’expression est héritée de l’américain « farm management », terminologie qui s’adosse à la théorie microéconomique de la firme en vogue aux États-Unis au début du XXe siècle. Cette évolution de langage va de pair avec l’accroissement du progrès technico-économique et la quête de productivité agricole. Sur le plan sociologique, en bannissant le vocable « ferme », l’agriculteur s’est aussi émancipé du « fermage » – lointain cousin du terme-vestige servage –, symbole d’une certaine soumission aux propriétaires des temps anciens qui étaient souvent des nobles ; il a également poussé les murs psychologiques de la « ferme patriarcale », cette entité régie par des traditions à certains égards pesantes. Bref, élever la ferme au rang d’exploitation agricole a participé à libérer les liens et les initiatives. Mais l’histoire est facétieuse. Aujourd’hui, la communication et le marketing se sont approprié le mot « ferme », associé à des valeurs fortes. Et qu’émergent les fermes éoliennes et les fermes numériques, simples entrepôts où l’on « ren-ferme » des serveurs. Et que jaillissent la ferme digitale, la ferme urbaine et même les « Biotech farms » où l’on « cultive » de la viande in vitro. Aujourd’hui, l’agriculture prend conscience de ce larcin sémantique et promeut le tourisme à la ferme, la vente directe à la ferme. Et l’agriculteur n’est-il pas fier quand un de ses enfants reprend la « ferme familiale » ! L’installation sur une exploitation, c’est pour les autres……
La ferme