Productrice de lait à Louargat et membre de la commission Ruminants du Gab d’Armor, Mary Henry est à l’initiative de la rencontre prochaine « Comment être acteur de la filière lait bio demain ? ».
Dans les campagnes, la « crise du lait bio » revient régulièrement dans les conversations. Comment percevez-vous ce contexte difficile ?
Effectivement, nous vivons une passe compliquée. Le prix du lait bio payé aux producteurs a baissé. Des opérateurs poussent à la réduction des volumes sur certains territoires. Actuellement, les laiteries n’acceptent plus de conversion. Depuis plusieurs mois, on ne frappe plus du tout à la porte du Gab pour se renseigner ou se faire accompagner… Cela contraste totalement avec l’engouement des dernières années.
Il y a, en ce moment, une inadéquation entre l’offre, c’est-à-dire le volume collecté, et la demande. Ce décalage pèse sur la valorisation de la production. Les perspectives pour 2022 ne sont d’ailleurs pas très enthousiastes en termes de prix du lait : un déclassement important du lait bio vers le conventionnel semble déjà acté.
Dans cette période tumultueuse, à quoi les producteurs et les porteurs de projet peuvent-ils se raccrocher ?
Certains disent qu’il y a trop de lait bio. Mais à l’horizon, il y a aussi les objectifs politiques du plan Ambition Bio 2022 d’atteindre 15 % de la SAU de la France en bio et 20 % de produits bio en restauration collective publique en 2022 et du Pacte Vert européen visant 25 % des terres en agriculture biologique en 2030…
Face à cette conjoncture dégradée, il faut se rappeler que le développement de la filière s’est souvent fait par à-coups. Nous avons déjà vécu des situations délicates assez similaires comme en 2010-2011. Une crise en conventionnel menant souvent à une vague de conversions. Actuellement, nous absorbons la dernière. Beaucoup comptent sur les départs en retraite pour amortir ce surplus de volume en attendant que la consommation tire à nouveau.
Avec deux autres administrateurs du Gab, Nathalie Urvoy, de Loudéac et Sylvain Haurat, de Trébry, dans ce moment particulier, vous proposez un colloque gratuit, mercredi 15 décembre, sur l’avenir de la filière…
Les producteurs et porteurs de projet ont grand besoin de se retrouver, de se mélanger, d’échanger… Même si les stratégies d’entreprise de leurs collecteurs sont différentes, il y a un volume global de lait bio dont nous devons discuter tous ensemble. Il y a peut-être un modèle de filière à requestionner. Lors de cette rencontre, des représentants de laiterie seront présents, mais ce sont des éleveurs qui prendront la parole à la tribune.
Nous allons notamment présenter des initiatives individuelles ou collectives de producteurs pour développer des débouchés. Insister aussi sur la complémentarité entre filières courte et longue. Les éleveurs en circuits courts sont en prise direct avec le marché, connaissent les consommateurs et font de la pédagogie. Il faut s’en inspirer. En filière longue, notre travail ne s’arrête pas après le départ du camion laitier, nous ne devons pas nous détacher du devenir de notre produit mais arriver également à faire la promotion du bio. Auprès de son association de parents d’élèves ou de son conseil municipal concernant la restauration collective par exemple. Ou en s’investissant au sein du Gab ou d’une OP… Nous devons tous être, à notre niveau, des porte-parole de la bio.