Gagner son bifteck

C’était en 2015. Le ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, instituait un prix du porc de 1,40 €/kg pour venir en aide aux éleveurs. Attaquée de toute part, l’initiative fit long feu. Dans un marché ouvert bien au-delà des frontières françaises où l’offre et la demande font le cours, ce prix politique ne pouvait pas tenir, car contraire aux lois de base du commerce. Ce cuisant revers ne semble pas avoir fait école. Aujourd’hui, la France réitère l’expérience au travers de la contractualisation en viande bovine. Or, il est difficile de croire aux vertus d’un marché administré dans une filière dépendante à 17 % de l’exportation et à 22 % de l’importation. L’expérience montre que l’application d’un prix plancher de 4 €/kg en réforme charolaise R= depuis juillet 2020 n’a pas arrêté l’hémorragie des effectifs de cette race allaitante emblématique. Bien au contraire. Dans un autre registre, la contractualisation obligatoire depuis 2019 n’a pas sorti les Label Rouge d’une certaine confidentialité. Ce qui compte pour l’éleveur, c’est davantage la possibilité de « gagner son bifteck » que le prix politique affiché. Et puis, à l’autre bout de la chaîne, il y a bien sûr le prix qu’est prêt à payer le consommateur. Les mêmes distributeurs qui affichent à pleine page des quotidiens régionaux leur soutien aux agriculteurs annoncent quelques pages plus loin des promotions avec des prix de vente de viande anormalement bas. À ne pas douter, le Français choisira de préférence de la rouelle de porc en réclame à moins de 2 €/kg qu’un steak haché entre 10 à 15 €/kg. Un prix par ailleurs intenable à terme si l’on se réfère à l’étude du think-tank Agriculture Stratégies : « Quand le kilo de carcasse est payé 1 € plus cher à l’éleveur, le transformateur doit répercuter en moyenne 1,47 €/kg de viande à l’aval »….

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