Le Point d’Alençon, mémoire vivante

10544.hr - Illustration Le Point d’Alençon, mémoire vivante
Entre conservation, transmission et création, la dentelle au Point d’Alençon demeure un patrimoine vivant. Quelques dentellières perpétuent cette tradition transmise sans interruption depuis près de quatre siècles.

Volants aux détails millimétriques, éventails, mouchoirs de fleurs… La finesse et la beauté des ouvrages épatent les visiteurs du Musée des Beaux-arts et de la Dentelle d’Alençon. Les points minuscules enlacés avec patience deviennent des pièces uniques, parfois de grande dimension tel le voile de mariée exposé au centre du musée, mesurant 3,50 m de long. C’est un savoir-faire dentellier unique qui est présenté ici : la dentelle au Point d’Alençon. « Il est inscrit depuis 2010 sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par l’Unesco. Le Point d’Alençon exige une technique exceptionnelle qu’aucune machine ne peut reproduire », expliquent les responsables du musée.

[caption id= »attachment_61650″ align= »aligncenter » width= »720″]10541.hr Ce voile de mariée représente l’équivalant d’une année de travail pour une centaine de dentellières.[/caption]

7 à 10 ans d’apprentissage

Cette dentelle est réalisée uniquement à la main avec une aiguille et du fil de coton et de lin. 7 à 15 heures sont
nécessaires pour réaliser l’équivalent d’un timbre-poste. « Ce savoir-faire se transmet par tradition orale et
gestuelle entre la maîtresse et l’élève. 7 à 10 ans d’apprentissage sont requis. » Aujourd’hui encore, dans l’Atelier national du Point d’Alençon, situé dans l’ancien collège des Jésuites, quelques dentellières perpétuent une technique née il y a près de quatre siècles. « La mémoire des femmes qui les ont précédées se conjugue
avec leur talent et leur sensibilité pour donner naissance à des figures de fil empreintes de modernité. » Amour du travail et patience sont nécessaires pour travailler ici.

« Nous amenons chacune notre touche. C’est une fierté de transmettre notre savoir », explique l’une d’elles. « Il faut beaucoup de concentration pour acquérir le geste, la régularité. C’est une démarche lente mais dans laquelle on ne cesse d’avancer… Quand on réalise les points, le temps est comme suspendu », témoigne une autre.

[caption id= »attachment_61648″ align= »aligncenter » width= »720″]10543.hr Egalement visible dans le musée :
« Eclosion 2 » de Marjolaine Salvador – Morel, une sculpture pop-up en dentelle à l’aiguille avec nylon et perles de verre.[/caption]

Des figures de fil

Alors que la broderie consiste à orner un tissu déjà existant, la dentelle est une pièce ajourée créée à partir d’un fil. Il existe deux grandes familles de dentelle manuelle : la dentelle à l’aiguille (comme le Point d’Alençon) et la dentelle aux fuseaux (comme la dentelle de Chantilly).
Chacune des dentellières de l’Atelier du Point d’Alençon maîtrise toutes les étapes de fabrication. Outre l’aiguille et le fil, du crin de cheval est utilisé comme tendeur provisoire et peut être présent dans le contour des motifs pour soutenir l’ouvrage. Lors de la fabrication, la dentelle s’appuie sur un support provisoire : le parchemin. « Il fut d’abord en peau de veau puis en peau de mouton. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, le parchemin est teinté en vert pour améliorer la lecture et atténuer la fatigue oculaire. »

Une douzaine d’étapes

La confection d’une pièce commence par un dessin exécuté à l’encre sur papier puis reporté sur un calque. Les contours du motif sont reportés sur un morceau de parchemin avec un poinçon ou un piquoir. Contour, réseau, rempli plus ou moins opaque des motifs, mode (figure d’ornement à jours), borde simple qui apporte du relief, brode à picots… la dentelle est créée. Elle est ensuite désolidarisée du parchemin lors du levage. Les fragments, selon la dimension de la dentelle, peuvent être assemblés. Le luchage est le repassage à froid en exerçant une forte pression avec une pince de homard. Toutes ces étapes aboutissent à des pièces à la légèreté inégalée.

Jusqu’à 10 000 dentellières

Dans l’Orne, l’art de la dentelle à l’aiguille a connu un développement exceptionnel à partir du milieu du XVIIe siècle. On dénombrait alors 8 000 à 10 000 dentellières dans le pays d’Alençon. Jusqu’au milieu du XXe siècle, la fabrication de cette dentelle a reposé sur la division du travail entre ouvrières très spécialisées sur une ou deux étapes. Cela permettait de protéger le secret de fabrication et de favoriser la rapidité et la qualité de l’exécution. Des maîtresses dentellières, appelées « fées », détenaient l’intégralité du savoir-faire. Après l’orientation vers la simplicité au XVIIIe siècle, avec des motifs peu variés, la seconde moitié du XIXe siècle a offert une profusion décorative. L’effet ombré permettant du relief est apparu vers 1850. L’industrie de la dentelle manuelle a périclité au début du XXe siècle. Le savoir-faire a failli disparaître. La sauvegarde a été assurée via des écoles dentellières et par des religieuses. L’Atelier d’Alençon a été créé en 1976.

Pour en savoir plus : Musée des Beaux-arts et de la Dentelle, Cour Carrée de la Dentelle, Alençon (61).
Contact : 02 33 32 40 07 ou musee@cu-alencon.fr. Site internet : https://museedentelle.cu-alencon.fr/


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