Le fragile équilibre du monde se fissure sous nos yeux. L’agriculture est directement concernée. Si le prix des denrées agricoles atteint aujourd’hui des sommets inconcevables il y a encore quelques semaines – le porc à 2 € n’est plus une chimère – le prix des intrants poursuit la même ascension, vertigineuse. Pire, la question n’est plus de savoir combien coûteront les engrais, la semence ou le soja, mais y en aura-t-il ? Signer un bon de commande ne suffit plus pour se garantir un approvisionnement. Des contrats volume-prix ont déjà volé en éclats pour « cas de force majeure ». Dans ce contexte de tension extrême des marchés, les commandes prises pour 2023 par les agriculteurs ont autant de valeur que des « emprunts russes » du XIXe siècle. Justement, s’agissant de Russie, Poutine – encore lui – a mis la main sur le robinet des engrais azotés sans que les usines européennes puissent compenser car ces dernières ont déjà abdiqué sous la pression du gaz qui a augmenté de 400 % depuis 2020. Dans ce contexte où tout s’affole, les experts s’accordent à dire que, compte tenu du calendrier saisonnier agricole et des cycles naturels, le vrai contrecoup agricole de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est attendu pour 2023. En espérant qu’aucun accident climatique majeur ne frappe d’ici là les grands pays céréaliers comme la France, l’Australie ou les États-Unis, comme c’est déjà le cas en Amérique du Sud où La Niña affecte les récoltes de maïs et de soja. Bref, dans les mois à venir, il faudra de la résilience comme on dit aujourd’hui. Pas sûr qu’aucun plan gouvernemental ne suffise. Chaque agriculteur devra revenir à certains fondamentaux, parmi lesquels l’autonomie des exploitations, garante d’une certaine résistance….
Contrecoup