Les ministres de l’Agriculture de l’UE ont convenu le 2 mars à l’issue d’un Conseil agricole informel extraordinaire, avec le soutien de la Commission européenne, de prendre des mesures de marché. Ils veillent à la souveraineté alimentaire.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Face aux conséquences négatives dont on ne connaît pas encore toute l’ampleur sur le secteur agricole européen, les ministres de l’Agriculture de l’UE en concertation avec la Commission européenne ont décidé d’activer une mesure d’aide au stockage privé pour le secteur de l’élevage et – pour la première fois depuis sa création en 2013 – le déblocage de la réserve de crise agricole (issue d’une ponction sur les paiements directs) d’un montant de 497,3 millions d’euros. Ces deux mesures seront avant tout dédiées aux éleveurs porcins et de volailles qui sont les plus touchés en raison de la hausse de l’alimentation animale et du prix des engrais. La Commission européenne a donc opéré un virage à 180°, elle qui depuis des mois n’a cessé de refuser d’intervenir sur le marché européen du porc, malgré les appels répétés de certains États membres, estimant que ces mesures seraient inutiles.
Le Green deal, victime collatérale
Autre mesure et non des moindres : la remise en cause, à court terme, face aux besoins immédiats en approvisionnement alimentaire, des objectifs de la stratégie “De la ferme à la table” dans le cadre du Green Deal. Les ministres des Vingt-sept et la Commission européenne ont en effet convenu « de libérer dès maintenant le potentiel de production agricole » de l’UE, en utilisant des jachères pour cultiver des protéagineux. L’Europe doit produire plus pour « éviter une crise alimentaire mondiale » avec l’arrêt « probable » d’une partie des exportations de céréales russes et ukrainiennes, a estimé le 8 mars le ministre français de l’Agriculture Julien Denormandie. Les deux pays étant de gros exportateurs de céréales, blé notamment, le ministre dit « craindre que s’ajoute dans les 12 à 18 mois une crise alimentaire mondiale ». L’Ukraine table sur l’équivalent de 40 à 50 % de la récolte de l’année précédente, qui avait été historique, les semis sont en cours dans les zones non envahies.
Julien Denormandie a estimé que l’Europe devait « assumer sa mission nourricière ». « Il faut que l’Europe produise plus, elle bénéficie des terres parmi les plus fertiles au monde, il faut que l’Europe ait une capacité à produire plus pour pouvoir également accompagner d’autres pays qui n’ont rien à voir avec le conflit mais qui se voient impacter dans leur possibilité d’accès à l’alimentation, notamment sur le continent africain et en particulier en Afrique du nord », a-t-il appelé. Le ministre a indiqué qu’en Égypte, « cela fait plusieurs fois que le gouvernement annule des commandes de blé parce que les prix sont trop importants. On constate qu’au Maroc, avec la sécheresse, près de trois-quarts de la production de blé est mise à mal ».
La souveraineté alimentaire mondiale en ligne de mire
D’autres dispositions vont être lancées au niveau européen : réunir le plus rapidement possible le groupe d’experts du mécanisme de préparation et de réponse aux crises de sécurité alimentaire ou encore de fournir de l’aide alimentaire à la population ukrainienne. La prochaine réunion, le 9 mars, du forum de réaction rapide – dont l’objectif est d’anticiper des situations qui pourraient conduire à une insécurité alimentaire croissante – et d’Amis, observatoire des marchés mis en place par le G20 en 2011, a été l’occasion de faire un point sur la question. Au sommet européen informel, organisé les 10 et 11 mars à Versailles dans le cadre de la présidence française de l’UE, il a aussi été question des flux d’approvisionnement et de la sécurité alimentaire.