C’est à s’y méprendre : les mouches fabriquées pour imiter les petits insectes consommés par les poissons ressemblent à 2 gouttes d’eau à leurs homologues naturels. Sylvain Le Roux fait partie de ces pêcheurs amateurs qui confectionnent eux-mêmes leurs appâts.
« Demain dès l’aube, à l’heure ou blanchit la campagne, je partirai… » à la pêche, aurait-on pu écrire pour compléter le poème Victor Hugo. Dès demain et une demi-heure avant le lever du soleil s’ouvre jusqu’à la mi-septembre la saison de pêche. Chez Sylvain Le Roux, on n’a pas attendu le dernier moment pour préparer son matériel ; ce Costarmoricain de Langoat fabrique lui-même les mouches qui serviront à attirer et à sortir de l’eau les poissons de rivières de Bretagne.
[caption id= »attachment_63314″ align= »aligncenter » width= »720″] Belle-Isle-en-Terre, commune de naissance et des premières pêches du fabricant de mouches.[/caption]
À la source du poisson
Né à Belle-Isle-en-Terre (22), le pêcheur fabricant d’appâts a baigné depuis son enfance dans le milieu halieutique. « Il n’existait que très peu de loisirs à l’époque, la pêche est venue naturellement », se souvient-il. Dans cette partie du Trégor, les commerçants n’hésitaient pas à mettre un panneau à l’entrée de la boutique, ‘Fermé pour cause de pêche’, quand survenait une averse orageuse, annonciatrice d’un moment propice aux captures.
Parfois, son père partait à la rivière de bonne heure sans réveiller son fils. Mais Sylvain avait plus d’un tour dans son sac : « J’attendais qu’il parte pour mieux le rejoindre ensuite ». En plus d’être une passion, le fruit de la pêche servait à nourrir la famille de 7 enfants, « nous n’avions pas de grands moyens. Vendre du poisson était une façon de se faire un peu d’argent ». Dans cette petite commune coulent les rivières poissonneuses du Guic et du Guer. Comme les petits ruisseaux forment les grandes rivières, ces 2 confluents forment en plein bourg le Léguer.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. De fil en aiguille, sa technique s’est précisée, en passant progressivement du ver à la cuillère, puis à la mouche, pratique déjà utilisée par son grand-père. « C’est une pêche plus ‘noble’, surtout quand on fabrique soi-même ses appâts pour les mettre en action ». Le Douron lui sert de terrain de jeu pour attraper des truites fario. L’espèce se faisant plus rare, Sylvain Le Roux s’essaie au saumon. « Quand on en pêche un, on devient accro ». L’homme va alors sillonner les rivières de Bretagne ou de Normandie, mais aussi d’Irlande, d’Écosse ou de Norvège pour garnir son tableau de prises.
[caption id= »attachment_63312″ align= »aligncenter » width= »720″] Cette mouche est fabriquée en poils de veaux et de … singe![/caption]
Des mouches de tous poils
Dans des boîtes bien rangées, de vrais trésors. Plumes de bécasses, de faisans, de paonnes ou d’autruche ; poils de martres, de renards, de fouines ou d’écureuils : l’origine des matières premières colorées servant à la fabrication des mouches est très diverse. Plus étonnant, des poils de singe ramenés d’un séjour en Afrique peuvent aussi servir à la création. « Les poils les plus raides sont utilisés pour la confection de mouches en rivières à courants forts. Les plumes sont utiles pour les rivières lentes, car elles sont plus souples et auront une meilleure action ». En guise d’atelier de fabrication provisoire, la table de la cuisine tombe à point nommé. Monté en 2 temps 3 mouvements, le petit étau maintient l’hameçon simple, double ou triple, selectionné selon les envies. Le corps des mouches est composé de bourre de sanglier, de poils et de plumes. « J’essaie d’utiliser un maximum de choses naturelles ». Les plumes et poils proviennent de prise de chasse ou sont simplement recueillis sur des animaux retrouvés sans vie lors de promenades. Du simple fil de couture vient faire tenir l’ensemble, un solide nœud soutient le tout.
Crevettes et poissonnets
Après avoir choisi son hameçon, il faut un petit quart d’heure pour fabriquer une mouche. Si les appâts pour truites essaient de ressembler le plus fidèlement possible aux insectes fraîchement éclos dont ces poissons sont très friands, ceux destinés à la capture des saumons « imiteront des poissonnets ou des crevettes. Les saumons remontent les rivières de février à juin, pour se reproduire. Dans cette période, ils ne se nourrissent plus ». La mouche en forme de crevette incite alors à mordre à l’hameçon, « s’il vient dessus, c’est plus par curiosité que pour se nourrir, il reconnaît les crevettes qu’il consommait en mer ». Cette pêche très réglementée s’avère être sportive, « dans le Léguer, le saumon moyen pèse 8 livres ». Parfois, le mystère plane sur la réaction des poissons face aux mouches, comme ces imitations de crevettes teintées par du violet de gentiane observé chez les Irlandais. « J’ai reproduit ces mouches de couleur, elles attirent plus les poissons. En revanche, je n’ai pas
forcément d’explication… ». De son incroyable collection de mouches, dont certaines lui furent léguées par son
grand-père, Sylvain Le Roux avoue « pêcher souvent avec les mêmes ». Pourquoi changer de leurre quand celui-ci fonctionne ?