L’idée d’accroître l’autonomie protéique en incorporant du trèfle ou de la luzerne dans les rations des porcs est séduisante. De nombreux freins existent.
Des essais ont été menés à la station expérimentale de Crecom (22) visant à remplacer une partie de l’aliment finition (après 102 jours d’âge) par de l’ensilage de luzerne. Trois rations ont été testées sur trois lots d’animaux (288 porcs au total) : l’une ne comprenait que de l’aliment standard (lot témoin), les deux autres avaient respectivement 10 % et 20 % de luzerne ensilée. Les trois aliments avaient le même niveau d’énergie au kilo. Les performances zootechniques des charcutiers, présentés aux JRP, sont défavorables à la luzerne. Le GMQ (de 102 kg à l’abattage) est dégradé par rapport au lot témoin, surtout avec 20 % d’ensilage (825 g/j vs 916 g/j). L’indice de consommation s’élève avec la part de luzerne, comme le coût du kilo de croît. « Il ne faut pas dépasser 10 % d’ensilage », prévient Constance Drique, de la Chambre d’agriculture. « La luzerne est appéte nte mais ses qualités nutritionnelles ne sont pas optimales. Il y a peu d’acides aminés digestibles et, surtout, la qualité des ensilages est très variable ». L’ensilage était à 61,9 % de matière sèche (trop élevé) et à 17,8 % de protéines brutes (57 % d’N protéique/N total). « Il y a un phénomène de protéolyse lors de la fabrication de l’ensilage avec une réduction d’environ 70 % des acides aminés essentiels présents au moment de la récolte. Par ailleurs, l’ensilage plante entière augmente la part de fibres non digestibles ».
RGA-trèfle performant
Un deuxième essai a été mené avec des fourrages enrubannés (trèfle-RGA et luzerne) sur 258 animaux, répartis en trois lots, à 60 jours d’âge. Le premier lot (témoin) avait une alimentation classique* (croissance et finition). Les deux autres avaient 95 % des aliments de ce plan d’alimentation et, soit de l’enrubannage de luzerne, soit du trèfle-RGA enrubanné, à volonté dans les deux cas. Ces fourrages étaient respectivement à 47,5 % et 51,9 % de matière sèche et à 22,4 % et 14,8 % de protéines brutes. Les porcs ont consommé 173 g/j de MS de luzerne et 110 g/j de RGA-trèfle. « Le GMQ est dégradé avec de l’enrubannage de luzerne sur la phase de croissance (pas en finition) par rapport au lot témoin ; le TMP est supérieur ». Les performances sont plus intéressantes avec le mélange RGA-trèfle : « Il n’y a pas de perte de GMQ ; il y a davantage d’acides aminés (que dans la luzerne). L’azote protéique représente 72 % de l’azote total contre 35 % dans la luzerne enrubannée (potentielle action protectrice de la polyphénol oxydase contre le phénomène de protéolyse dans l’enrubannage RGA-trèfle). Un tel rationnement alimentaire peut être appliqué sur des porcs jeunes ». Par ailleurs, les animaux sont plus calmes quand ils consomment des fourrages ce qui favorise le bien-être animal.
Distribution difficile
Au-delà de l’aspect zootechnique, des questions se posent à l’échelle de l’exploitation. « Quel est le gain réel d’autonomie protéique s’il y a moins de céréales dans l’assolement ? ». À Crecom, des difficultés d’évacuation du lisier ont été signalées. Le temps de travail lié à l’ensilage, au désilage et à la distribution (manuelle dans les essais) n’est pas négligeable. Des systèmes de distribution automatisés devront être élaborés pour voir des fourrages dans les rations des charcutiers ; dans un premier temps, dans des modèles d’élevages alternatifs.
*Aliment croissance : 9,5 MJ EN / kg ; 0,85 g Lys dig/MJ EN et aliment finition : 9,5 MJ EN/kg ; 0,76 Lys dig/MJ EN.