Passer d’un élevage laitier conventionnel intensif à un système biologique implique beaucoup de changements pour l’éleveur mais également pour ses animaux. À l’EARL de Tregorff à Saint-Renan (29), Ronan Calvez a franchi le cap en 2021 suite à des opportunités et une remise en question concernant son système de production, un pari gagné.
En 2018, Ronan Calvez a eu l’opportunité de doubler sa surface agricole. À l’époque, sur son exploitation laitière, la ration de ses vaches était composée à 40 % d’herbe. Afin d’optimiser son modèle, il a décidé de passer en système 28/55 dans le cadre de l’aide MAEC* lors de la déclaration de la Pac. C’est-à-dire, 55 % d’herbe dans la ration et 28 % maximum de maïs. Une fois ce système herbager mis en place, la différence avec le système biologique n’était plus très grande. L’exploitation dispose de 70 ha d’herbe accessibles au pâturage, il n’y avait alors plus beaucoup de freins pour passer le cap et se convertir en bio. L’objectif est de passer de 10 000 L/hectare à 5 000 L/hectare. « C’est un concours de circonstances si j’en suis là aujourd’hui, mais une fois que l’on choisit un système il faut y aller à fond », explique l’agriculteur.
Des Prim’Holstein en monotraite
À l’EARL de Tregorff la conversion s’est faite sur 18 mois, le 1er mai 2020 les vaches étaient en conversion bio et la première collecte de lait bio a eu lieu en novembre 2020. Concernant sa production laitière, suite au passage en bio, l’éleveur avait le choix entre 2 schémas : 2 traites par jour avec une ration herbe/maïs ou passer en monotraite et augmenter le troupeau. « C’est après la première année de conversion où j’ai été noyé avec les cultures et l’herbe au printemps que j’ai décidé de sauter le pas et passer en monotraite », raconte l’éleveur. Sa première crainte était que les vaches ne s’accommodent pas à ce changement de système. Mais finalement l’adaptation s’est faite rapidement, c’était plus d’inquiétude en amont qu’au moment venu, où finalement tout s’est bien passé.
Assurer des taux pour une meilleure rémunération
L’un des moyens de compenser la baisse de production c’est d’améliorer la rémunération grâce aux taux de TP/TB. À l’EARL de Tregorff, suite au passage en monotraite, le lait est plus concentré et les taux sont meilleurs. Il a gagné 2 points en TP et 3 en TB, ce qui n’est pas négligeable. Aujourd’hui, il est en moyenne à 48 en TB et 34,4 en TP. Les taux sont également plus réguliers et les impacts de saison se font moins ressentir ce qui aide à avoir une meilleure valorisation en continu. Ronan Calvez fait également des croisements sur son troupeau pour chercher à avoir des animaux qui suivent en taux, plus rustiques et plus légers. Pour optimiser les revenus, les pénalités liées aux leucocytes doivent être surveillées. Nadine Roué, technicienne nutrition et lait Eureden, accompagne l’élevage pour la partie qualité du lait. Elle n’a pas constaté d’évolution concernant la pression leucocytaire depuis le passage en bio. Le protocole d’hygiène de traite est resté identique puisque les produits utilisés étaient déjà UAB. Il n’y a pas de problème de lipolyse dans cet élevage puisque la monotraite permet d’augmenter l’intervalle entre traite et de réduire l’impact de la lipolyse.
Un travail différent et du stress en moins
« Depuis que j’ai changé de système je suis plus en adéquation avec moi-même. Il était temps de faire un choix pour réduire le temps de travail ». Depuis quelques mois, Ronan Calvez engage un salarié, à hauteur de 150 heures/an, avec un groupement d’employeur. « C’est une vraie aide », commente-t-il. L’objectif est d’avoir un soutien pour la gestion de l’herbe et la possibilité de prendre des congés. Le passage en monotraite est également un soulagement sur l’emploi du temps de l’éleveur. En agriculture biologique, les préoccupations ne sont plus les mêmes, la priorité n’est plus le suivi de la production mais bien la gestion de l’herbe et du stock. Grâce à ses 70 hectares d’herbe, l’éleveur sait qu’il est autonome pour la ration de ses vaches. Les 10 hectares de maïs sont là pour la sécurité, même en cas d’année plus sèche, il a toujours du stock et une surface d’herbe suffisante, « ce sont des inquiétudes en moins », confie l’agriculteur.
Une herbe riche en azote
Avoir le meilleur fourrage en quantité suffisante, oui mais comment ? « J’ai un plan de rotation. Mais, en fonction de la pousse de l’herbe, je m’adapte et le modifie pour toujours optimiser au mieux », explique l’éleveur. Pour avoir une herbe de qualité, homogène et éviter les refus sur les parcelles d’herbe, l’éleveur pratique le topping. À chaque animal sa ration spécifique pour mieux couvrir leurs besoins : les veaux et les génisses pleines disposent de parcelles spécifiques ou une coupe d’enrubannage est faite en amont. l’éleveur parvient à proposer aussi une ration spécifique pour les taries et les génisses en leur réservant son enrubannage plus sec.
Aujourd’hui, Ronan Calvez a un modèle cohérent et satisfaisant par rapport à ses objectifs pour concilier vie professionnelle/vie de famille et être autonome. « Vu le contexte, ma crainte est que le prix du lait bio arrive au même prix que le conventionnel durablement » confie-t-il. Alors, si demain il devait optimiser ses revenus, il se tournerait vers la transformation et la vente directe, pour continuer à être maître de son système.
Marine Rozec
*MAEC : Mesure agro-environnementale et climatique