Pour cette campagne 2022, il est possible de conduire une culture de printemps sur les surfaces déclarées en jachères les années passées, hors jachère mellifère. Le marché du blé noir s’oriente vers la pénurie, c’est encore le moment d’intégrer cette culture dans votre assolement…
La guerre en Ukraine va bloquer dès cet automne les exportations des Russes (1er producteur mondial de blé noir) vers l’Europe de l’Ouest. Deux raisons : lutter contre l’inflation alimentaire en Russie et par la restriction des flux d’importations en Europe.
Un déséquilibre préoccupant sur le marché du blé noir
La production mondiale de 1 612 000 t au monde, perd 33 % de ses fournitures aux portes de l’Europe. La compensation par les exportateurs traditionnels vers la France (Lettonie, Lituanie et Pologne) est impossible.
Par effet de vases communicants, la baisse de l’offre en Europe va compliquer notre approvisionnement en Bretagne. Le risque de rupture en kig ha farz, galettes, crêpes salées ou whisky n’est pas exclu…
Une culture facile, faible consommatrice en azote…
Nos «louzou mad» sont issus de parcelles suivies avec rigueur par les adhérents d’Eureden pour le plaisir de nos papilles et de notre autonomie ! Avec son Identification géographique protégée, la Bretagne fait la différence en blé noir. L’enjeu dans ce nouveau contexte 2022 est bel et bien notre autonomie alimentaire…
La rigueur imposée par le cahier des charges “Blé noir tradition Bretagne” garantit une qualité irréprochable aux farines sous ce label. Pour atteindre ce niveau de qualité, les producteurs emblavent des parcelles sélectionnées pour leurs aptitudes (pH <6.5), sans risque Datura. La variété Harpe, 100 % en semences certifiées pour éviter toute dégénérescence de type tartaricum, assure une saveur historique et appréciée par les plus grands chefs étoilés bretons.
Le travail du sol est piloté pour favoriser le faux semis et la lutte mécanique contre les adventices. Cette culture principale, sans aucune intervention chimique, permet d’éliminer tous risques de résidus. Sa fertilisation est réduite par une bonne exploitation des Cipan ou jachère (hors mellifère) : de 0 à 100 unités d’azote maxi / ha, en fonction de la minéralisation du précédent. Cette céréale atypique, de la famille des polygonacées, permet de rompre le cycle des maladies et adventices spécifiques aux graminées. Une bonne exploitation de son pouvoir couvrant et de ses effets allélopathiques sur les mauvaises herbes permet de réduire la concurrence de ces dernières.
[caption id= »attachment_65462″ align= »aligncenter » width= »720″] Fauchage-andainage testé en 2021. Les bénéfices sont confirmés sur rendement, impuretés et frais de séchage.[/caption]
Une seule bête noire : le datura
Une seule solution, choisir ses parcelles… Croquer une seule graine de datura est mortel par sa teneur en atropine et scopolamine. Les moyens de lutte sont basiques, mais efficaces :
• La rotation diminue la pression par les cultures d’hiver ;
• Une parfaite maîtrise du désherbage dans les cultures de printemps (chimique ou mécanique) et le faux semis ;
• Le nettoyage du matériel de récolte ;
• Les contrôles de détection au champ et, au pire, l’arrachage manuel car un lot peut être contaminé par la sève de la plante au battage même si aucune présence de graine n’est détectée ;
• Un test de la feuille blanche à réception ;
• Une analyse libératoire pour chaque cellule de stockage certifie l’absence de ces deux alcaloïdes.
Les ruchers comme partenaires particuliers
Viser un bon rendement commence par s’assurer de la proximité de ruches autour des parcelles à raison de 2 à 3 ruches/ha. Une fleur est fertile uniquement sur une journée. Ainsi, il faut obligatoirement qu’il y ait pollinisation par les insectes afin de permettre une fécondation croisée de la fleur avec un grain de pollen externe. La date de semis influence l’attractivité de la parcelle en déterminant les conditions climatiques de la période pendant laquelle aura lieu le pic de floraison (deux mois environ après le semis). En effet, la sécrétion de nectar en quantité et qualité dépend des conditions climatiques à floraison. Par exemple, des températures nocturnes fraîches diminuent la quantité et détériorent la composition en sucres du nectar. De même, une humidité du sol équivalente à environ 60 % de la réserve utile est la meilleure condition pour la sécrétion de nectar : les parcelles séchantes sont décevantes en année de canicule.
La récolte avec fauche-andainage : essais transformés en 2021, déploiement en 2022
Sécuriser la récolte avant l’égrenage des tempêtes et pluies d’octobre passe par une “précocification” de la date de récolte, sur une plante à floraison indéterminée. Les différents chantiers suivis en 2021, démontrent que les surcoûts générés par le fauchage-andainage sont compensés par des gains supérieurs :
• De deux à trois points d’humidité, moins de frais de séchage ;
• De rendement, par absence d’égrenage ;
• De qualité quand la fauche est suivie de cinq jours secs : moins d’impuretés et pas de prolifération des levures et moisissures.
Eureden met en relation les prestataires potentiels de fauche-andainage avec ses adhérents intéressés par cette technique. Vous disposez de ce type de matériel pour la récolte 2022 ? précisez vos coordonnées, matériel et localisation à contact.cereales@eureden.com, nous transmettrons vos références aux producteurs séduits par ces techniques.
Michel Le Friant / Responsable Métiers du grain Eureden