L’agriculture travaille avec un matériau noble qu’est le temps. On devrait même dire « les » temps. Car il y en a deux : celui qui coule et s’écoule, et celui qui chauffe et arrose. En agriculture, les deux sont intimement liés. Le temps qui passe est jalonné par les saisons. Le cultivateur sait mieux que quiconque qu’il y a en effet un temps pour tout : semer au printemps – littéralement au « premier temps » – permet de viser le meilleur temps pour récolter. À contre-temps de notre époque qui plébiscite l’immédiateté, l’agriculture est enracinée dans le temps long. Ce qui n’empêche pas que le pas de temps pour agir soit parfois trop court… Par exemple, quand les vannes célestes sont trop généreuses et empêchent les tracteurs de rentrer dans les champs. Cette année, c’est l’inverse. Ledit beau temps de ce printemps s’apparentera bientôt à un mauvais temps s’il devait durer. « La terre est sèche », s’alarment déjà certains agriculteurs. Le temps presse mais les nuages paressent… Alors il faut « prendre le temps comme il vient » puisque personne n’y peut rien, ni sur le temps qui s’égrène, ni sur la météo qui traîne. Le nouveau rapport au(x) temps est un fait de nos sociétés contemporaines. L’agriculteur aussi s’est mis à courir après le temps. Il ne prend plus le temps d’arrêter son tracteur pour parler avec son voisin ; il risquerait, croit-il, de « perdre son temps » et il lui faudrait « rattraper le temps perdu ». Le temps est si précieux ! Ne dit-on pas que le temps c’est de l’argent ? Ce drôle de rapport au temps vaut pour les deux temps. Les bulletins météo qualifient systématiquement une dépression de « mauvais temps ». Billevesée ! La pluie est souvent d’or….
Le temps