Oubliée, la faux retrouve des adeptes pour entretenir, en douceur, jardins et prairies.
[caption id= »attachment_65450″ align= »alignright » width= »248″] Delphine Mognier explique que l’extrémité pointue du manche de bois doit être plantée dans le sol avant l’affûtage.[/caption]
Après des siècles d’usage, en Bretagne et à travers le monde, les faux ont disparu des campagnes face à l’implacable mécanisation. Reléguées au placard, dans les brocantes ou les collections d’outils d’antan. Pourtant, quelques passionnés font de la résistance en reprenant la faux et, mieux, en transmettant sa pratique. En France, deux personnes dispensent ainsi des formations. Delphine Mognier, à Concoret (56), est l’une d’elles (l’autre est dans le Tarn). Parallèlement à son activité de cueilleuse de plantes médicinales, elle propose des ateliers de 3 heures. Suffisant pour découvrir l’outil, son fonctionnement, son entretien. « C’est le renouveau de la faux », démarre, enthousiaste, la jeune femme. « Bien sûr, dans mon public, il y a beaucoup de néo-ruraux », sourit-elle. Mais de plus en plus de professionnels viennent se former : paysagistes, apiculteurs, maraîchers, agents d’espaces verts des communes… Les motivations sont diverses. « Beaucoup veulent entretenir un bout de terrain sans forcément avoir recours à la tondeuse ou à la débroussailleuse, matériels jugés bruyants, lourds ou consommateurs d’énergie… D’autres apprécient l’autonomie d’un outil simple à entretenir et réparer. »
L’initiation débute par la présentation du matériel. Celui que promeut Delphine Mognier n’a rien à voir avec les lourdes faux du grand-père ou celles vendues en grande distribution ou en jardinerie.
Manche en frêne, poignées réglables
« Il y a faux et faux. Je travaille avec du matériel autrichien. Les manches sont en bois de frêne. Il en existe trois tailles en fonction du gabarit de l’utilisateur. Les poignées sont réglables. Les lames légères… », détaille la spécialiste. Cette notion d’ergonomie est au cœur des premières minutes de formation. « C’est essentiel. Un outil adapté et bien réglé est indispensable pour économiser son énergie, préserver son corps et prendre le maximum de plaisir en l’utilisant. »
Empruntant librement au taï-chi ou à l’escrime, la formatrice parle posture, transfert de charge d’un appui à l’autre, rotation partant du bassin que doivent suivre le torse, les bras et la tête pour respecter la chaîne articulaire et gagner en efficacité… Elle décortique le mouvement « pour qu’il rentre dans le corps » lors de petits exercices. Puis, avant la prise en main, Delphine Mognier insiste sur la sécurité. « Même si le plus gros risque de se blesser est au moment de l’aiguisage, il faut apprendre à se déplacer avec sa faux et à la poser. »
Une fois ces prérequis balayés, les apprenants sont lancés dans leur première fauche. Certains comme Paul aujourd’hui, comédien anglais propriétaire d’un domaine dans la Creuse, attrape presque instantanément le geste juste. « Au bruit, on entend comment ça coupe, comment la personne s’en sort… Peu à peu, on cherche un certain relâchement. » Au fur et à mesure que les élèves avancent, Delphine fait observer les différents types d’herbe – « Pour faucher une touffe de dactyle, il faut mettre un peu plus de force par exemple » – et leur apprend à suivre le profil du terrain quand il n’est pas plat. Mais aussi à faucher autour d’un arbre ou d’une bordure. « On débute en posant la lame contre l’obstacle pour éviter de l’abîmer. » C’est une lame qui n’aime pas les chocs et les surprises comme les pierres ou pire, les fils de fer.
[caption id= »attachment_65451″ align= »aligncenter » width= »720″] Pour conserver son tranchant, une lame doit être battue toutes les 3 à 5 heures de fauche.[/caption]
Affûtage et battage pour un tranchant rasoir
Une lame qu’il faut surtout entretenir. « Quand dois-je l’aiguiser ? Dès que je ne prends plus de plaisir, dès que la fauche devient plus fatigante. » Concrètement, cet affûtage est recommandé toutes les 3 à 5 minutes. Il est réalisé avec une pierre naturelle au grain fin. Cette dernière, glissée dans un coffin (contenant de l’eau) porté à la ceinture, est toujours à portée de main. « C’est un temps pour reprendre son souffle avant de repartir plus détendu. » Il s’effectue rapidement mais réclame d’être très concentré pour éviter de se couper. « D’abord, avec une poignée d’herbe, j’essuie le métal. Ensuite, il y a différentes méthodes. Moi, je divise la lame en plusieurs parties que j’aiguise les unes après les autres pour obtenir, à l’arrivée, un tranchant rasoir. Avec un outil affûté, on fauche sans effort. »
Dernière étape incontournable de la formation, le battage. Il s’exécute à l’aide d’un marteau spécial aux bords arrondis pour ne pas marquer le métal et d’une enclumette (« de préférence, munie de guides ») plantée dans un billon. « Pour conserver son tranchant, une lame doit être battue toutes les 3 à 5 heures de fauche. En la martelant sur une largeur de 2 ou 3 mm, l’idée est d’écrouir le métal, de déplacer de la matière pour l’étirer. » Après cela, les apprenants repartent « opérationnels », prêts à s’équiper et se lancer. « Au début, je recommande de faire de petites sessions de 10 minutes, de préférence le matin quand l’herbe est humide. Une fois le geste acquis, le travail à la faux devient un plaisir, un exercice corporel agréable et quasi méditatif. »
[caption id= »attachment_65452″ align= »aligncenter » width= »720″] « Pour que le travail reste agréable, l’affûtage de la lame avec une pierre est à réaliser toutes les 3 à 5 minutes de fauche », explique Delphine Mognier.[/caption]