Réussir un bon foin, c’est tout un métier. Ou plutôt une passion : sur la ferme familiale de Collorec, Dominique Falchier met tout en œuvre pour récolter un produit d’exception qui servira à alimenter des chevaux de haut niveau.
Chaque année produit un foin particulier. Chez Dominique Falchier, depuis 30 ans, la récolte de l’herbe sèche fait l’objet de toutes les attentions. Sans se fier à une recette magique, il se base sur 3 éléments. « Il faut de la bonne herbe, du soleil et de la passion ». La passion, il l’a ; sur la ferme de ses parents à Collorec (29), les parcelles de fétuque élevée sont fauchées, fanées et pressées quand il le faut, au bon moment. Résultat : le producteur tire de ces champs un foin d’excellente qualité qu’il vend à des éleveurs de chevaux d’exception, très attentifs au fourrage qu’ils distribuent à leurs équidés. Sans en faire tout un foin et avec une grande humilité, il livre ses petits secrets forgés par son expérience.
[caption id= »attachment_67116″ align= »aligncenter » width= »720″] L’herbe est fanée 7 fois avant d’être andainée et pressée.[/caption]
Des taureaux aux chevaux
Dans une autre vie professionnelle, le Finistérien était chauffeur laitier. Le temps libre dégagé en dehors des tournées de collecte de lait était consacré à la tenue de la ferme familiale laitière de 30 ha. Les parcelles d’herbe de ce pays Dardoup, qui fait la transition entre le nord et le sud de la Cornouaille, assuraient la pousse d’un fourrage bien vert et bien gras. Le foin issu des coupes « était proposé à l’Urcéo, à Plounévézel (29). On a nourri de jolis animaux, de beaux taureaux qui avaient une bonne renommée ». Quand les mâles du centre d’insémination sont partis en 2011, la surface herbagère a diminué, il s’est exclusivement consacré à la vente de foin pour les chevaux. « Puis le bouche-à-oreille s’est développé ».
[caption id= »attachment_67115″ align= »aligncenter » width= »720″] Les balles rondes sont ramassées dès le lendemain du pressage.[/caption]
Le réveiller pour qu’il ne s’endorme pas
Quand Dominique Falchier évoque ses chantiers de fenaison, c’est en choisissant les bons mots. Ainsi, il estime que le foin ne doit pas « s’endormir », ou encore « qu’il doit rester réveillé ». Pour ce faire, 7 fanages sont réalisés après la coupe. L’herbe « sèche autant par le dessus que par le dessous, et ne doit pas rester en contact avec le sol. Il faut un coup de chaud à 25 °C et un vent de terre ». Les coupes des bordures de champ sont regroupées au milieu de la parcelle pour un séchage homogène. Après andainage et 3 tours de filet autour de la balle ronde, le précieux foin est ramassé et stocké le lendemain.
Pas de trèfle dans les champs, car plus difficile à sécher, mais des graminées comme de la fétuque élevée, qui produit « peu de tiges et beaucoup de feuilles. Les secondes coupes offrent la meilleure qualité. Ce foin vert part dans des écuries dont les chevaux participent aux championnats d’Europe de dressage. Certaines parcelles contiennent un peu de fléole, non pas pour son rendement mais pour l’odeur très agréable qu’elle dégage ».
La hauteur de coupe se situe à 10 cm, au-dessus du collet. « Il faut être patient et attendre le bon stade. Le foin de mai, ça ne marche pas, les jours doivent être longs ». Mais les années se suivent et ne se ressemblent pas. « Je ne fais jamais le même foin, je ne démarre jamais par les mêmes parcelles… Tout est toujours différent. La semaine dernière, j’ai pressé du foin alors qu’il y a quasiment eu des gelées le matin même ! Je n’avais jamais vu ça ». La semaine dernière, les machines se sont activées pour les chantiers. Pas de fortes températures, mais un vent idéal sur les terres séchantes qui a permis de réaliser les balles.
[caption id= »attachment_67114″ align= »aligncenter » width= »720″] La renarde profite de la libération de la parcelle pour chasser.[/caption]
Foin pharmacie
À chaque fin de saison, la herse de prairie est passée dans les champs pour les scarifier et retirer les mousses qui rendent le foin poussiéreux. Les taupes sont aussi animal non grata dans les lopins de terre. Pour satisfaire la demande de clients exigeants, « je n’ai pas d’autre choix que de viser l’excellence. En 30 ans, je n’ai raté que 3 ha de foin ». Si la météo est capricieuse, le plan B est activé avec un enrubannage. « Je préfère plastifier de la bonne marchandise que de faire un foin moyen ».
Cette herbe séchée a des vertus sur les chevaux en très haute compétition. « Il arrive que les animaux de course, très stressés, développent des ulcères à l’estomac. Le foin panse cet ulcère et diminue l’inflammation ». De même, un éleveur s’est déjà fourni en foin de Collorec pour soigner une vache malade et pour apaiser des veaux souffrants.
Après cette carrière bien remplie, l’heure de la retraite a-t-elle sonné ? « Mes clients me répondent que je n’ai pas le droit, hors de question de changer de foin ! ». Pourtant, le Breton réfléchit à une éventuelle transmission. « Il y a quelque chose à faire, il y a beaucoup de chevaux à nourrir et de moins en moins de gens à faire du foin. En dessous de Nantes, c’est fini, c’est beaucoup trop sec ».
Heureux au volant de son tracteur, Dominique Falchier surveille la bonne alimentation du pick-up de sa presse, sous l’œil d’une renarde qui en profite pour muloter. Il peut aussi compter sur son épouse Marie-Hélène, « on vit la période de fenaison ensemble, je suis là pour le déstresser. Pour lui, c’est une sorte de foin-thérapie ! »