« Une 2e naissance pour mes prairies »

12440.hr - Illustration « Une 2e naissance pour mes prairies »
Après une première fauche d’enrubannage, Vincent Couvert fait pâturer les génisses dans cette parcelle régénérée par un semis de prairie sur prairie. La céréale s’est bien implantée sauf dans le bas de parcelle, où la concurrence a été plus forte avec les espèces prairiales, en zone plus humide.
Le groupe Dephy de l’Adage a expérimenté les semis de prairie sur prairie pour maintenir une pousse fourragère productive et augmenter la pérennité des prairies.

Si le parcellaire groupé de l’exploitation peut faire rêver (41 ha facilement accessibles aux VL), « il est pour autant difficile à gérer, inondable pour la moitié, avec près de 3 km de rives (Le Meu et ruisseaux) », recadre Vincent Couvert, éleveur de 40 vaches laitières sur 44 ha à Montfort/Meu (35). Aussi souhaitait-il essayer de régénérer des prairies sans travail du sol, sans passer par la case « culture » et tout particulièrement dans les parcelles peu propices à l’implantation de céréales, pour valoriser toutes les parcelles de l’exploitation.

Un travail superficiel du sol nécessaire

Dans une prairie à renouveler de RGI-trèfle violet, exploitée 4 années et destinée aux génisses, un passage de cultivateur s’est révélé nécessaire suite aux passages de sangliers, pour niveler le sol. Puis le semis direct a été effectué le 15 octobre au semoir Pronto Horsch, de la SARL Nizan à Mordelles, équipé d’une double trémie et d’une double ligne de semis. Espacés de 30 cm, des rangs d’un mélange céréalier fermier (triticale/avoine/pois) à hauteur de 80 kg/ha s’alternent donc avec des lignes d’un mélange prairial suisse à base de RGA, fétuque et trèfles blancs, « auquel j’ai rajouté du plantain, comme traceur pour voir si ce qui a été semé se maintient dans le temps », précise l’éleveur. Un passage de rouleau Cambridge a suivi sitôt le semis.

« Les disques ont travaillé superficiellement le sol, sans détruire le RGI-TV qui a pu repartir en végétation. La technique, je l’espère, va permettre une 2e naissance de la prairie, dont la production sera plus pérenne. Et la céréale doit apporter une couverture du sol suffisante pour limiter la pousse des adventices. De plus, le système racinaire de l’avoine et du triticale devrait décompacter le sol. Sans compter qu’on devrait récolter plus de volume à la première exploitation. » Pour cette première année, de l’enrubannage a été effectué début mai, à raison de 4 t/ha. Les céréales, peu visibles en janvier, se sont finalement bien implantées sauf dans le bas de parcelle, où la concurrence a été plus forte avec les espèces prairiales, en zone plus humide. « Pour le moment, je suis satisfait du résultat. Le trèfle est bien présent, c’est le moteur de la prairie, point d’autant plus important en bio. On retrouve aussi le plantain et des renoncules, révélatrices de la zone humide. Ce ne sont pas de bonnes parcelles en potentiel. L’objectif est donc de maintenir un couvert herbacé pas cher. »

[caption id= »attachment_68349″ align= »aligncenter » width= »720″]12441.hr Début mai, dans la même parcelle avant la fauche, les lignes de céréales sont bien visibles dans la pâture.[/caption]

Trouver la bonne période de semis

Un second essai a été mené, sans travail du sol dans une prairie de RGA/Fétuque/trèfle blanc de 4 ans. « Les vaches ont au préalable rasé la parcelle et la date s’est avérée optimale pour le semis au 15 octobre, avec un sol ni trop sec ni trop humide, permettant aux disques semeur de creuser le sol. »
Les résultats sont satisfaisants à la première exploitation. Une fauche a été réalisée le 2 mai, permettant de récolter 3 t MS/ha, rendement pénalisé par les 50 premiers mètres rasés par les ragondins… Le pâturage va maintenant laisser de la lumière pour que le trèfle se développe.

« Le jeu en vaut-il la chandelle ? »

Vincent Couvert se veut prudent : « Pour régénérer une prairie, il ne faut cependant pas attendre qu’elle soit trop dégradée. Les résultats restent aléatoires, il n’y a aucune garantie de réussite ». Et les questions restent nombreuses autour de cette technique. « Le couvert prairial va-t-il s’améliorer ? La productivité de la prairie régénérée sera-t-elle au rendez-vous ? Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, il faut être patient. On verra les espèces qui seront présentes à l’automne. »

Et pourquoi pas récolter les céréales en grain ?

« S’il y avait eu beaucoup de céréales, j’aurais pu garder la 2e parcelle d’essai pour la moissonner en grain. Cela faisait partie des hypothèses de l’essai », ajoute Vincent Couvert. Mais la prairie s’était développée rapidement et a laissé peu de place à la céréale. Peu visible, elle est pourtant présente. Une fauche a été donc réalisée et elle sera suivie d’un pâturage. «Il aurait sûrement fallu exploiter la prairie par un pâturage en décembre/janvier pour la récolter en grain. Si la parcelle est pâturée jusqu’en février au plus tard, cela ne détruit pas la céréale. »

Renouvellement des prairies et réchauffement climatique

Le groupe Dephy Adage existe depuis 2009. Constitué de 8 éleveurs en bio et 2 en conventionnels, le groupe a surtout travaillé et communiqué sur leurs systèmes herbagers, après avoir expérimenté différentes techniques sur le renouvellement, le vieillissement et la destruction des prairies. Les 10 agriculteurs souhaitent travailler ces 5 prochaines années sur des thèmes autour de la vie du sol, et poursuivre les essais sur le renouvellement des prairies en lien avec le réchauffement climatique. Lysa Piveteau, ingénieur réseau Adage


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