Collaborer entre générations, ça se cultive

12764.hr - Illustration Collaborer entre générations, ça se cultive
François Bouillis (à droite) avec ses parents et sa sœur sur l’exploitation familiale.
Avec l’arrivée de jeunes actifs sur les exploitations, la vision du travail évolue. Les différentes générations peuvent créer des synergies profitables à tous, à condition de communiquer et de se comprendre.

Plusieurs générations, trois voire quatre avec les retraités et les stagiaires, se côtoient sur les exploitations agricoles, avec plus ou moins de succès… « Chaque génération partage une histoire et a ses propres caractéristiques. Pour parvenir à travailler ensemble, il faut communiquer, apprendre à se connaître, se comprendre », souligne Magali Guirriec, psychologue du travail, diplômée en ressources humaines et fondatrice de Yenea (entreprise de conseil et accompagnement). Elle invite les différents acteurs à ne pas stigmatiser les autres générations et à tirer profit de leurs complémentarités. « Il faut profiter de la fougue de la jeunesse et de la structure des baby-boomers. »
François Bouillis, 25 ans, a grandi sur la ferme laitière de ses parents à Épiniac (35). Mais avant de les rejoindre sur l’exploitation il y a 2 ans, il a mené sa propre route. « J’ai toujours été intéressé par la transformation des produits agricoles. J’ai découvert le milieu fromager lors d’un stage et cela a été une évidence pour moi. » Après un séjour en Franche-Comté et Auvergne et l’obtention d’une licence de Maître fromager, il décide de revenir sur la ferme.

Responsable de l’atelier fromager

« Mes parents ont accepté de mettre en place un atelier de diversification et m’en ont laissé la responsabilité », a-t-il témoigné lors de la journée annuelle du Ceta 35 en juin, sur le thème « Le choc des générations : comment travailler ensemble ? ». Plusieurs produits sont confectionnés sur la Ferme Ker Lannoué : fromages frais, à pâte pressée, à pâte molle, tommes, fromage blanc…
« Évoluer du statut d’aide familial à associé a été un cap à passer. J’avais une idée assez claire du travail, je souhaitais par exemple disposer d’un week-end sur deux. Des changements ont été mis en place progressivement : nous avons commencé par libérer des dimanches soirs pour chacun, puis des dimanches complets. Aujourd’hui, nous profitons de week-ends sans travail. Je vis sur la ferme mais pas dans le même logement que mes parents », précise le producteur.

Pour davantage de polyvalence, il a formé ses parents à la fabrication fromagère et la commercialisation. « Aujourd’hui, ils sont passionnés par cette activité ! La communication et la planification aident à éviter les conflits. Nous avons mis en place un groupe WhatsApp qui nous aide pour cela. » La sœur de François (3 ans de plus que lui), qui n’avait jamais travaillé en famille ni dans la transformation fromagère, a aussi rejoint l’entreprise en tant que salariée. « Nous avons fait un essai et elle a aujourd’hui des responsabilités. Par contre, elle ne travaille pas les week-ends et nous avons instauré des horaires définis en lien avec sa famille. Nous nous sommes adaptés… »

Martial Chesnais a lui aussi choisi de s’installer sur l’exploitation familiale avec son frère et ses parents à Piré Chancé (35), après une expérience de 5 ans comme conseiller – animateur au Ceta 35. « Mais mon frère et moi avons posé la condition d’un changement de système vers de l’extensif. Nous ne souhaitions pas gérer 100 vaches laitières. Aujourd’hui, nous sommes en bio. » Martial et son frère ne regrettent pas de s’être associés : « C’est plus facile pour la vie de famille. Nous disposons d’un week-end sur trois et de 4 semaines de congés. »
Installée avec sa sœur depuis deux mois, une éleveuse, auparavant coiffeuse, raconte qu’elles ont adapté l’exploitation reprise à leurs vies de famille. « Par exemple, nous commençons à 9 h et emmenons nos enfants à l’école. » Un autre jeune témoigne sur son installation future en Gaec avec un associé de 54 ans, après une expérience de 6 ans comme salarié de remplacement. « Actuellement, on peut choisir où on veut s’installer, sur quel système, avec quel projet de vie… J’écoute mon futur associé, nous avons parlé des statuts, des responsabilités de chacun… »

Cadrer les horaires

L’arrivée des jeunes générations en agriculture se fera aussi à leurs conditions. « Comme nous à la Cuma, beaucoup d’entreprises cherchent du personnel à l’heure actuelle », souligne Romaric Minutillo, responsable technique de la Cuma de Piré qui compte 11 salariés et 3 apprentis, avec une étendue d’âge allant de 60 à 16 ans. Alors comment attirer les jeunes ? « Je pense qu’il faut donner un cadre le plus clair possible sur les horaires de travail et sur l’astreinte. Trop de dépassements d’horaires peuvent générer des conflits au sein d’une famille. »
Le responsable aborde aussi la question de la communication entre les salariés et le bureau. « Les salariés souhaitent être davantage associés aux décisions, donner leur point de vue. » Romaric Minutillo participe à une partie des rencontres du bureau de la Cuma ce qui permet un retour. « L’attractivité est aussi liée à des locaux accueillants, du matériel performant, du numérique… ».

Rapport de force inversé

L’approche du recrutement évolue aujourd’hui alors que le rapport de force s’est inversé : les actifs ont la possibilité de choisir. Les chefs d’entreprise ou d’exploitation doivent prendre conscience de l’importance de leur réputation, de leur image, y compris sur les réseaux sociaux. La génération Z, née après 1995, souhaite de l’interaction et de l’épanouissement au travail. Pour les attirer, il faut leur transmettre le sens du métier… Reconnaître leur travail, leur fiabilité ou leurs capacités est important ainsi que leur confier des responsabilités progressivement. On peut aussi leur demander ce qu’ils attendent de leur employeur ou d’un associé pour davantage de clarté.  Magali Guirriec, Fondatrice de Yenea


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