Dès potron-minet, la criée de Roscoff s’anime pour vendre des produits de la mer. Homards, araignées, tourteaux, lottes, raies ou merlans… De nombreuses espèces passent par le cadran dégressif pour fixer leur prix.
5 h 30 du matin, au port du Bloscon à Roscoff (29). La nuit calme et tiède de l’été touche à sa fin. Pas de bruit, si ce n’est celui des moteurs des chambres froides. Dans les locaux de la criée, on commence à s’activer : la vente va démarrer à 6 h. En ce jour de fin juillet, 24 t de marchandise sont à vendre, et elles le seront, en moins d’une heure.
[caption id= »attachment_69637″ align= »aligncenter » width= »720″] Sitôt vendus, sitôt expédiés.[/caption]
Poisson frais
La veille, les bateaux sont venus décharger leur marchandise. Après avoir été triés par espèce, calibrés et classés suivant leurs présentations (vidés ou non), les lots sont étiquetés pour préciser l’origine du bateau, le code de la personne qui a trié, le nombre de colis… Rien n’est laissé au hasard pour répondre à un cahier des charges strict. Ces informations sont saisies sur tablette numérique et exportées sur un serveur.
5 h 59, dans la salle des ventes, une dernière vérification est effectuée pour s’assurer que la connexion internet est bonne. Dans la pièce, quelques acheteurs patientent. Les autres mareyeurs sont devant leur écran, ils travailleront à distance. En tout, ils seront plus de 80. « Grâce au cahier des charges, l’acheteur connaît parfaitement la qualité du produit », précise Guirec André, directeur de la criée. Et c’est parti pour une vente aux enchères dégressives, ou lottes, rougets, poulpes, congres ou roussettes trouveront preneur. Car ici, « le poisson se vend bien, il n’y a pas d’invendus. Le système de vente aux enchères dégressives fait monter les prix : les acheteurs ont une certaine pression car s’ils n’appuient pas sur le bouton pour se signaler, ce sont les autres qui auront le lot ». Sur l’écran, des petites indications sont données. Ici, du foie de lotte est proposé. Là, un poisson plus maigre est à l’affiche. La lotte est en provenance d’un chalutier ou d’un fileyeur ? L’acheteur connaît le mode de pêche par une indication. « Une lotte pêchée par un fileyeur reste moins longtemps dans l’eau, elle est vendue plus cher ».
[caption id= »attachment_69638″ align= »aligncenter » width= »720″] Rougets prêts à partir.[/caption]
À côté de la côte dégressive, une petite case mentionne « offre d’achat », suivie d’un prix en euro. Il s’agit d’un prix de retrait en dessous duquel le poisson ne peut être vendu. Il est effectif « quand le bateau adhère à une organisation de producteur ». Le collectif et la mutualisation paient aussi dans le milieu marin comme dans le monde agricole, avec un prix de vente sécurisé.
7 h 01. La vente est terminée, les poissons endormis dans les caisses glacées sont chargés dans les camions.
La voix de la criée
[caption id= »attachment_69639″ align= »alignright » width= »268″] Guirec André, directeur de la criée de Roscoff.[/caption]
Guirec André connaît bien les rouages de ces halles à marée, nom officiel de la criée, qui ont pour organisme gestionnaire la Chambre de commerce et d’industrie de Morlaix (29). Auparavant et avant l’informatisation du site en 2005, c’est lui qui annonçait les prix de vive voix devant un panel de quelques 20 acheteurs. « J’étais un des derniers crieurs. Il fallait une autorité naturelle, et repérer les acheteurs qui validaient leur choix par un coup de tête, un clin d’œil. Mais je savais où regarder, je réduisais mon champ de vision suivant les lots présentés car je savais qui était susceptible de se manifester ». De l’animation, il y en avait, dans ces enchères simples où un lot était vendu toutes les 17 secondes. « Je sortais de là vidé ! » Aujourd’hui, la salle des ventes est plus aseptisée, même si l’ambiance est toujours conviviale avec des remarques qui vont bon train chez les mareyeurs présents physiquement.
La lotte, reine des poissons
Il existe en France une quarantaine de criées réparties sur le littoral. La Bretagne est très bien représentée avec 15 sites. Si Boulogne-sur-Mer (62) arrive en tête des volumes vendus, Lorient (56) et Le Guilvinec (29) tiennent respectivement les seconde et troisième places. À Roscoff, située au 14e rang national, « 4 446 t de produits ont été vendues l’an passé. En tête des ventes, la lotte, car beaucoup de fileyeurs approvisionnent le marché ». Paradoxalement, le nombre de bateaux de pêche à livrer la criée a augmenté depuis les 20 dernières années. En 2021, ils étaient 7 chalutiers et 81 fileyeurs. « En été, il y a plus de lotte, de raie ou des tourteaux pêchés au filet. Le gros des volumes est présenté de février à avril, avec une grande variété d’espèces. En hiver, les fileyeurs vont faire la campagne de sole en golfe de Gascogne. Novembre et décembre sont les mois les plus creux ». Si les méthodes de pêche n’ont pas changé, le confort s’est invité à bord des bateaux ; « mais le métier reste très dur, les pêcheurs sont des gens qui dorment peu… » En règle générale, les bateaux ne quittent pas le port plus de 7 jours.
Demain, une autre vente aura lieu.Dès aujourd’hui, les acheteurs peuvent connaitre les espèces et les quantités qui seront présentées : les bateaux transmettent régulièrement les informations de leur pêche aux responsables roscovites.