C’est au cœur de la ferme familiale que Stéphanie et Manu Hélias ont installé un pressoir, qui recueille et conditionne le jus des fruits de leurs clients.
Manu Hélias se définit comme un pur Bigouden. « En 400 ans, mes ancêtres sont venus de Tréméoc (29) pour s’installer à Plovan (29) », s’amuse-t-il. Si quelques kilomètres seulement séparent ces 2 communes, c’est au cœur du Pays fort bien décrit par Pêr-Jakez Heliaz dans Le cheval d’orgueil que les aïeux du Breton ont toujours vécu.
Avec son épouse Stéphanie, ils récoltent les fruits du verger planté par le grand-père de Manu, « certains pommiers à couteaux sont vieux de plus de 60 ans ». De cette ferme familiale, les Finistériens tirent du jus de fruit, les grasses pâtures accueillent un troupeau de Montbéliardes valorisées pour leur viande. Des moutons paissent sous les pommiers, des poules de Janzé viendront prochainement compléter la ferme. La famille Hélias propose une prestation de pressage de fruits à la ferme, dans une ambiance qui se veut simple et chaleureuse, « à la bonne franquette », pourrait-on résumer, mais avec un professionnalisme toujours assuré.
La recette secrète dévoilée
Pas de bon jus de pomme sans bons fruits. Manu et Stéphanie choisissent de mélanger 3 variétés différentes pour arriver à un excellent breuvage. Grande et Petite Alexandre, Boskoop et Reinette grise du Canada servent à confectionner la boisson. Mais les vergers accueillent d’autres cultivars, telle la Teint Frais ou la Guillevic 1. La Reinette d’Armorique est aussi très présente, car très pollinisatrice. « J’en mets un rang tous les 4 rangs de pommier ».
Le couple a pour objectif d’arriver à un total de 3 000 pommiers. À la plantation, « nous arrachons la totalité des fleurs pour que le plant fasse son bois. L’année suivante, nous ne gardons que 25 % des fleurs sur les jeunes pommiers ». Une technique déjà observée chez le grand-père familial. « Je ne cherche pas à produire du volume, c’est le goût qui m’intéresse ».
Nourrir le troupeau et les pommiers
L’espace entre les petits arbres est de 3 m, les producteurs gardent 6 m entre chaque rang. « C’est une façon de limiter les tavelures, car il y a un brassage d’air plus important ». Pour multiplier leur verger, les arboriculteurs prélèvent des greffons sur les vieux sujets au mois d’août. Ces petits fragments de tige sont expédiés chez un pépiniériste, pour l’opération d’écussonnage. « Les greffons partent chez les frères Derouineau, entreprise basée dans le Maine-et-Loire (49). Nous récupérons les plants 1 an et demi plus tard, en janvier ou février, pour la plantation ». En guise de porte-greffe, le fournisseur préfère des abricotiers ou des pruniers, plus résilients.
Prochainement, une légumineuse viendra tapisser l’espace laissé par le grand inter-rang. « J’ai choisi de la luzerne car elle résiste à la sécheresse et apprécie la potasse, comme les pommiers, qui en ont besoin pour leur floraison ». La luzerne apportera de son côté de l’azote, « les pommiers de mon grand-père ont toujours eu à manger pour faire de beaux fruits ! »
Pour valoriser ce travail de production, Stéphanie et Manu ont investi dans un pressoir et dans un bâtiment dédié à l’embouteillage. « Chacun peut venir y faire presser ses fruits ou ses légumes ». Ainsi pommes, kiwis, raisins ou même carottes, qui offrent 30 % de rendement, viennent donner tout leur jus à la ferme. Les clients récupèrent « l’intégralité de leur jus. Les fruits sont râpés et non broyés, puis pressés par un cylindre. Nous pouvons régler la pression de ce cylindre suivant la maturité ». La machine est nettoyée entre chaque client pour s’assurer qu’il n’y ait pas de mélange entre les demandeurs. Et les presseurs s’adaptent à la quantité amenée. « Nous ne sommes pas dans une quantité industrielle. La machine démarre, même pour 40 kg. Cette année, les pommes ont 50 % de rendement en jus, qui est plus concentré en sucre ». Les pommes doivent être ramassées au sol, car le fait de les cueillir dans l’arbre peut casser la floraison de l’année suivante. Pour 1,10 €, on peut repartir avec son propre jus mis en bouteille d’un litre ; ce tarif descend à 85 centimes quand le client ramène sa bouteille. Le marc qui résulte de ces opérations est valorisé par le troupeau, il est distribué frais dans des grands bacs posés dans les pâtures.
Des concours amicaux
Manu Hélias n’hésite pas à titiller ses clients, surtout s’ils viennent de pays bretons autres que de Bigoudénie… Mais toujours sur le ton de la plaisanterie. Cette verve, Louise, fille de Manu et de Stéphanie, semble l’avoir dans ses veines. « Je suis la plus jeune ramasseuse de pommes du Finistère », aime-t-elle se définir. Et les clients s’amusent de cette atmosphère : autour du pressoir, s’improvisent des concours du meilleur jus, de la plus grosse pomme… « Parfois, les clients goûtent le jus de leur prédécesseur et ainsi de suite. C’est très convivial ». Les bons conseils font également partie de la mission des producteurs, « mieux vaut trier ses sacs par variétés, certaines pommes doivent être pressées sitôt ramassées, sous peine de devenir farineuses ». Le rythme de travail de la machine laisse le temps de retirer les fruits éventuellement pourris, et autorise les bavardages et les échanges amicaux que la vie parfois trop rapide d’aujourd’hui ne permet plus.