Les mouvements sociaux qui se focalisent sur des intérêts socioprofessionnels propres révèlent quelque chose de décalé, sinon d’anachronique, au regard du monde incertain qui s’échafaude sous nos yeux. L’actualité récente vient pourtant de nous livrer encore une fois une illustration de ce « réductionnisme », comme disent les sociologues et philosophes. Cependant, ce réductionnisme n’est pas l’apanage des syndicats. Il est quasi universel. Il naît d’un réflexe corporatiste et protecteur qui prévaut à tous les étages de la société civile et professionnelle. Il est dès lors compréhensible que l’expression « le monde d’après », née de la pandémie de Covid 19, ait été autant glosée. La dérision est souvent le masque du refus. Pourtant, il apparaît évident que le monde subséquent sera profondément différent. Qu’une nouvelle rationalité de pensée et d’action s’imposera. À l’instar de l’acte 1 du Covid, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pointe davantage les fragilités anciennes de nos sociétés plus qu’elle n’en crée de nouvelles : fragilité des souverainetés alimentaires, fragilité d’une société énergivore, fragilité sanitaire, fragilité financière, fragilité d’une croissance infinie dans un monde fini. La fin du conflit russo-ukrainien ne signera pas un retour à la normale au sens où l’on retrouverait le monde d’avant comme on retrouve sa maison ou son travail après les vacances. L’énergie sera durablement chère et le monde sera soumis à un nouvel ordre géopolitique aiguillonné par l’hostilité des autocrates contre les valeurs de liberté de la société occidentale ; en parallèle, l’humanité continuera d’être pressée d’accélérer sa mutation pour conserver une Terre climatiquement vivable. Un vrai chantier civilisationnel auquel, hélas, la population et de nombreux dirigeants semblent si mal préparés… Didier Le Du…
Nouvelle rationalité