Tombé dans les pommes

 - Illustration Tombé dans les pommes
Les noms de variétés de pomme à cidre bretonnes ont des noms très imagés : C’hwerv Vestl (amère comme la bile), C’hwero Boche, Avalou Belein...
Mark Gléonec est « né entre deux barriques de cidre », s’amuse-t-il. Mais point de cidre sans pommes… du moins en Bretagne. Conteur et musicien, l’homme aux allures de druide nous conduit sur le chemin merveilleux et légendaire de la pomme et des pommiers.

Que serait la pomme sans son histoire, sans ses histoires. Sans ses légendes et sans sa mythologie aussi. Pourtant, en Occident, l’histoire commence mal. « Il n’y a que dans le monde chrétien que la pomme est associée au mal », observe Mark Gléonec auteur de trois livres sur la pomme et les pommiers et bientôt d’un 4e, toujours en gestation dans le marc de pomme.

Mark Gléonec, conteur et musicien.

Du Fruit défendu au bonheur du jus

Tout démarre mal en effet, car au Commencement était le Fruit défendu… Mais était-ce d’ailleurs une pomme que croquèrent Adam et Ève dans le jardin merveilleux ? Le conteur Mark Gléonec trouve plus pétillante sa propre légende de la « pomme originale » : « Des soldats assoiffés voyant un pommier par-delà le mur de l’abbaye s’y précipitent pour étancher leur soif. Fruit défendu !, crie un moine qui, derechef, écrase les pommes sur une pierre. Le jus qui s’écoule fait le bonheur des hommes en armes… sans qu’ils ne croquent la pomme ».
Cette chute ante-Newton pourrait être la fin de l’histoire. Ce qui ne ferait pas l’affaire du barde fouesnantais du cidre qui est aussi président du Cidref. Une association qui, depuis 1980, fait la promotion du cidre de Fouesnant, puis du Finistère, avec son cru exceptionnel pressé en 1996 : l’AOP Cornouaille. Une reconnaissance de l’excellence qui n’est pas étrangère à l’initiative de la cidrerie Rousseau qui, très tôt, avait eu la bonne idée d’embouteiller son cidre dans un bock de couleur ambrée arborant fièrement une gravure sur verre « La bolée de Fouesnant » portée par une Fouesnantaise en coiffe. Un marketing-maison qui doit aussi son succès à la « Chanson du cidre » (1901) de Frédéric Le Guyader qui récitait une ode au cidre de Fouesnant dans tous les cabarets : « Oh buveur, vous buvez du cidre de Fouesnant ». Cette notoriété du cidre de Fouesnant conduisit les producteurs locaux à s’intéresser à une appellation dès 1936. Soixante plus tard, la collerette dorée de l’appellation d’origine couronnait enfin le goulot des champenoises bretonnes.

Faire pétiller la Route du cidre

Pour Mark Gléonec, pas de doute : après avoir planté des vergers ; après avoir produit un cidre de haute qualité, les cidriculteurs de Cornouaille doivent à présent « rallumer la flamme de l’histoire – des histoires – autour du cidre, un peu à l’image de ce que fait la brasserie artisanale ». Et le chemin semble tout tracé puisque le Cornouaille a déjà sa Route du cidre qui serpente de Fouesnant à Telgruc-sur-Mer, en passant par le Pays Melenig et le Pays Bigouden.

« Il n’existe pas meilleur que le Cornouaille, un cidre doux-amer vraiment atypique », décrit Mark Gléonec.

Le conteur cornouaillais ne manque pas d’idées pour faire pétiller d’histoires et de légendes la Route du cidre. « Connaissez-vous ? Connaissez-vous le poème Avaled (les pommiers) composé en 573 par le barde Marzhin à Cardiff ? Il invoque le pommier pour honorer ses copains morts héroïquement au combat », pose-t-il comme une première borne. D’Avaled à l’île d’Avalon, où le roi Arthur livra sa dernière bataille, la marche mythologique est ténue. Selon certains érudits, il est même possible qu’il ait existé des traditions celtiques concernant une île des pommes comme métaphore de l’Autre Monde. Les pratiques chamaniques montrent apparemment beaucoup de points communs avec les pouvoirs attribués à Merlin (l’Enchanteur) repris par l’épître de Marzhin qui, en breton, se traduit par Merlin.

Sacrilège

Une autre, Monsieur le druide du cidre ! « Savez-vous que… Savez-vous que les Américains font du cidre sans pommes ? » Et pas parce que c’est le Fruit défendu… « Non, celle-là, on n’en fera jamais une belle histoire », accorde Mark Gléonec qui découvre des pratiques baroques lors des conférences qu’il donne à l’étranger. Sacrilège que ce cidre sans pommes ! « Ah ça oui. Et vous pouvez me croire : il n’existe pas meilleur que le Cornouaille, un cidre doux-amer vraiment atypique ». Parole du lutin qui « à 3 ans dormait sous les barriques » et qui aujourd’hui butine la pomologie au Kelc’h ar wezenn (Le Cercle des arbres en breton) tel un chevalier de la pomme à la table ronde du Roi Arthur.

Des noms pleins de saveur

Des noms pleins de saveur Si l’on leur avait proposé une C’hwerv Vestl (amère comme la bile), Adam et Ève n’auraient sans doute pas croqué la pomme. Pas plus que la C’hwero Boche… En revanche, un verre de Guillevic leur aurait paru doux-acidulé au palais. Sauf que le diable se cache dans les détails. « Guillevic a subi une mutation et signifie ‘petit Guillou’, c’est-à-dire le surnom du loup. Et du loup au diable qui court après les filles il n’y a qu’un pas si l’on se réfère au breton du vannetais », explique Mark Gléonec.

Pour en savoir plus
Pommes et cidres de Cornouaille, 2018, Locus Solus
Du 22 octobre au 6 novembre, Fouesnant fête la pomme au bois de Penfoulic.
Informations : www.tourismebretagne.com


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