Situé dans le jardin du manoir du Gourveau à Saint-Pol-de-Léon (29), le robinier de Béatrice et de Michel de Sagazan représente la Bretagne en concourant à l’élection de l’arbre de l’année. Les votes en ligne sont encore ouverts.
Sans Jean Robin, jardinier d’Henri IV, cette histoire n’aurait jamais existé. L’homme à la main verte a introduit en France en 1601 une espèce d’arbre qui porte toujours son nom, le robinier. Ce Robin des bois a planté 2 de ces sujets à Paris, l’un au jardin des plantes, le second dans ce qui deviendra par la suite le square René Viviani. Si le 1er a plié sous le poids de l’âge et est retourné à la terre, le second est toujours en vie après plus de 400 ans d’existence…
Loin du tumulte de cette vie parisienne, Saint-Pol-de-Léon (29), capitale historique de l’évêché de Léon. C’est dans cette petite cité de caractère que Béatrice et Michel de Sagazan décident de poser leurs valises il y a quelque temps en faisant l’acquisition du manoir du Gourveau, situé à quelques encablures du port de Pempoul. Dans le parc arboré qui ceinture la bâtisse, un arbre semble avoir traversé les siècles sans prendre une seule ride. Soucieux de la santé de l’imposant végétal, Michel de Sagazan préfère se renseigner et entre en contact avec un arboriste pour connaître l’origine des maux dont semble souffrir le colosse. « Ses feuilles commencent à sécher, des petits bourrelets se sont formés sur le tronc ». David Happe, spécialiste de ces grands végétaux, répond favorablement à la requête et décide de se rendre sur place pour en avoir le cœur net. À son arrivée sur les lieux, l’arboriste constate qu’il est en présence d’un sacré gaillard. « J’ai sorti mon mètre ruban, l’arbre a 500 cm de circonférence ! Des spécimens aussi gros, je n’en avais pas vu beaucoup ». Après avoir rassuré les propriétaires sur le bon état de santé général de la bête, David Happe consulte ses données et échange avec des collègues dont Mickaël Jézégou, fin connaisseur des arbres anciens ; ils se rendent compte que l’arbre de Saint-Pol-de-Léon pourrait être le 2e ou le 3e plus gros représentant de l’essence en France.
Un manoir, un arbre
Difficile de donner avec précision l’année de naissance de ce robinier. « Il est creux, comme la plupart des vieux arbres. Pour moi, il a plus de 250 ans », estime l’expert. Intrigués et pris au jeu de la recherche de renseignements sur le compagnon de la maison, les propriétaires font part à l’arboriste d’une date inscrite dans une pierre du manoir. « 1638 », arrive-t-on toujours à lire sur un bloc de granit. « La tradition voulait que quand on construisait un manoir, on plantait un arbre. Ce robinier a peut-être été planté en 1638 ? », se demande Béatrice de Sagazan. Mais alors, comment cette espèce alors très peu répandue en France se serait-elle retrouvée en terre bretonne ? « Le robinier est originaire de la région des Appalaches, aux États-Unis. 37 ans après son introduction, on aurait pu le trouver dans le parc d’un château, chez des personnes qui avaient des relations étroites avec la Cour. Or le manoir était une ferme, peut-être tenue par un botaniste ? Le jeune arbre est-il venu de la capitale, ou arrivé des Amériques via le port ? » Ces questions posées par David Happe et sans réponses font planer un doute assez captivant, qui laisse libre cours à l’imagination de chacun.
200 m2 de couronne
En plus de son âge respectable, le robinier breton est beau, majestueux même. S’il est un peu déplacé de parler de chiffres pour un tel être vivant, rappelons tout de même que sa couronne couvre près de 200 m2. Et l’ami qui prend racine est généreux, laissant un lierre non envahissant poser ses crampons sur son écorce, ou encore ces nombrils de Vénus qui tachettent de vert le tronc et les imposantes branches. Si ses baies sont toxiques, ses fleurs mellifères plaisent aux abeilles ; son bois est apprécié par les paysans qui l’utilisent comme piquets de clôture. Appartenant à la famille des légumineuses, le robinier sait nourrir certaines bactéries du sol qui en échange lui donnent accès à l’azote contenu dans l’air.
Oui, c’est un bel arbre, alors il faut le faire savoir. David Happe convainc le couple de faire participer le robinier au concours du plus bel arbre de l’année. Le champion est désigné par un jury pour représenter la Bretagne, parmi 15 autres concurrents répartis sur tout le territoire. La bataille est âpre, un des challengers a déjà préféré jeter l’éponge… Les votes sont ouverts, chacun peut exprimer son choix sur le participant qu’il préfère. Béatrice et Michel de Sagazan scrutent tous les jours le nombre de voix engrangées par leur protégé, et espèrent voir à l’issue du concours le sacre et le couronnement du Roi de leur jardin.