À quoi rouleront les tracteurs demain ?

 - Illustration À quoi rouleront les tracteurs demain ?
Modèle New Holland roulant au biométhane, muni d’un réservoir à l’avant.
Tous les constructeurs explorent des alternatives au diesel. Mais de nombreux défis restent posés.

Électricité, hydrogène, méthane… les constructeurs explorent de nouvelles pistes de motorisation. Mais il reste d’importants défis à relever, surtout en termes de coût, d’autonomie et d’approvisionnement. La solution électrique bute principalement sur l’autonomie. Un tracteur moyen équipé d’un moteur diesel a besoin d’une réserve de 400 litres de carburant. Chez son équivalent électrique, la batterie lithium-ion pèse 9 à 10 tonnes et représente un volume de 5 000 litres. Cela pour exécuter les mêmes 8 heures de travail. Conclusion : l’avenir du 100 % électrique réside plus dans les petites machines, restant à proximité de la ferme pour une question de recharge ou destinées au travail en intérieur. « Des tracteurs plus gros dépasseraient les limites de poids acceptables et créeraient par la suite un compactage du sol grandement néfaste et non durable », selon la Cema (association européenne du machinisme agricole). Les heures de recharge constituent un autre obstacle. Certains constructeurs misent d’abord sur l’hybride. L’allemand Claas l’imagine comme une étape, à l’horizon 2028. « On étudie des concepts, pour anticiper le scénario d’une norme antipollution drastique », explique Simon Loquais, directeur de la stratégie sur les tracteurs. « L’assistance électrique va permettre de réduire la consommation du moteur diesel, ceci avant le lancement du 100 % électrique. » Plus en avance, l’américain John Deere propose déjà l’électrification partielle de sa série 8, qui compte parmi les plus gros tracteurs de la marque. L’idée est d’équiper les engins supérieurs à 400 ch d’une transmission dont la partie hydraulique est remplacée par de l’électrique – le moteur reste quant à lui thermique. « Un avantage est le gain de performance », souligne le directeur Marketing Julien Saint Laurent, annonçant les premières livraisons au printemps 2023. Cette technologie, permet de répartir la puissance entre le tracteur et l’outil attelé.

Un tracteur au gaz de ferme

Faire tourner le tracteur avec du carburant produit sur la ferme : le gaz offre une telle possibilité. New Holland s’y intéresse activement. L’italien est « le seul constructeur à produire en série un tracteur agricole non diesel » qui fonctionne au GNV (gaz naturel pour véhicule). Une dizaine d’exemplaires ont été livrés en France au printemps et ils seront « une vingtaine en service à la rentrée », promet le responsable Marketing Nicolas Morel. Le constructeur s’adresse notamment aux agriculteurs qui possèdent une unité de méthanisation. Après une étape de compression, leur biogaz sert de carburant. Encore faut-il disposer d’une station de recharge. L’investissement représente 50 000 à 60 000 euros pour de l’autoconsommation destinée à 1 ou 2 tracteurs. New Holland parle aussi d’un surcoût de 20 % à l’achat du tracteur. Mais l’autonomie demeure le gros désavantage par rapport au gasoil. « Il faut un réservoir quatre fois plus gros, soit 800 litres pour une journée de travail », reconnaît Nicolas Morel. Au mieux, le constructeur propose quatre heures et demie d’autonomie avec son tracteur au gaz, contre un idéal de huit heures à pleine charge. Un réservoir additionnel de 270 litres est alors mis à l’avant de la machine, en plus des 190 litres sur la version standard. Le tracteur T6 Methane Power affiche par ailleurs des niveaux de performances, longévité, intervalles d’entretien identiques à ceux du diesel. New Holland promet en plus une économie d’environ 20 % sur la facture de carburant. 

La pile à combustible doit faire ses preuves

« Pour les tracteurs de taille moyenne à grande, la pile à combustible semble intéressante, car sa durée de fonctionnement et sa densité d’énergie sont meilleures par rapport à la batterie électrique », avance Gaël Guégan, ingénieur au Cetim (institut technologique). New Holland avait d’ailleurs fait sensation en 2009 avec un concept de tracteur équipé d’une pile à combustible. Problème, le coût d’acquisition est 3 fois plus élevé qu’en version diesel. La durée de vie reste limitée, autour de 5 000 heures. Des obstacles qui semblent aujourd’hui difficiles à surmonter. « Cette technologie présente encore des défis à relever en termes d’intégration (refroidissement et conditionnement), d’infrastructure de ravitaillement et de coût total de possession (incluant prix d’achat et frais d’utilisation)​​​​​​​ » , souligne Gaël Guégan.

L’hydrogène entre en scène

Le britannique JCB investit quant à lui massivement dans l’hydrogène. Pas moins de 110 millions de livres sterling (environ 125 millions d’euros), une équipe de 150 ingénieurs sont mobilisés sur un moteur thermique reprenant les bases du diesel. Les premiers matériels fonctionnant à l’hydrogène – une tractopelle et un chargeur télescopique ont été présentés l’an dernier – doivent être lancés avant la fin 2022. « C’est complètement réplicable aux tracteurs agricoles, affirme le directeur général Philippe Girard. La technologie est connue. De l’hydrogène, mélangé à l’air, est injecté dans une chambre de combustion pour faire tourner le moteur. En termes d’architecture, de poids, rien ne change par rapport au diesel. La seule différence est la couleur de nos machines : traditionnellement jaune, elle passe au vert et blanc. » Le prix est cependant plus élevé, de l’ordre de 10 % pour le moteur à hydrogène. JCB annonce par ailleurs une autonomie d’une journée de travail. Quant à la recharge, pas d’inquiétude chez le constructeur. « La France va très vite produire de l’hydrogène vert », estime Philippe Girard, notant au passage la contribution possible des agriculteurs, grâce aux panneaux solaires, à la méthanisation.


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article