Dans son livre, Capital Terre, Alessandro Stanziani dissocie les civilisations du blé, du riz et du maïs. L’Europe est évidemment celle du blé. « Entre le XVIe et le XIXe siècle, le blé assure entre 50 et 70 % de l’alimentation européenne », chiffre l’historien économiste. Il explique surtout que la culture du blé est intimement liée à la ‘Culture de l’élevage’ des peuples européens. Si le blé est moins productif que le riz et demande moins de soins, « il épuise aussi davantage la terre : après deux récoltes de suite, les rendements décroissent », écrit Alessandro Stanziani. Les rendements décroissent sauf si l’élevage vient à la rescousse. Et c’est bien pour cela que blé et élevage se sont progressivement adossés l’un à l’autre depuis la domestication des céréales il y a 12 000 ans. L’historien rappelle en effet que « pendant des siècles, blé et herbe sont liés. Car le blé exige des engrais, donc des animaux ». Cette évidence, d’aucuns l’ont un peu oubliée. Aidés en cela par l’ère des engrais minéraux à pas cher qui se sont substitués aux effluents d’élevage, parfois en totalité comme c’est le cas dans les plaines céréalières. Une pratique de plus en plus imitée par des régions de tradition d’élevage qui, faute de trouver suffisamment de rentabilité avec les animaux, se végétalisent progressivement. C’est notamment le cas en Bretagne. Or, avec la flambée des prix de l’énergie, la rupture entre ces deux productions, végétale et animale, ramène en pleine face le manque de durabilité d’un système exclusivement végétal comme le blé. À 2,70 € l’unité d’azote comme aujourd’hui, la pratique d’une fertilisation minérale sur la base jusqu’ici admise de 3 unités/quintal ne tient pas la route économi- quement sauf à avoir un prix du blé d’au moins 400 €….
Le blé et la bête