L’exercice du métier d’agriculteur se fait de moins en moins dans un cadre familial. Avec l’arrivée d’une génération plus mobile, la question du financement des projets et de la détention du capital est repensée.
À l’occasion de la session de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine le 28 novembre, un temps d’échange était ouvert l’après-midi sur l’avenir de l’agriculture, faisant suite à une intervention de François Purseigle, sociologue et professeur des universités, à partir de son dernier ouvrage « Une agriculture sans agriculteurs » co-écrit avec Bertrand Hervieu, sociologue spécialiste des questions rurales et agricoles.
Des organisations plus diversifiées
« L’agriculture est devenue un sujet de débat dont chacun s’empare en ignorant la révolution indicible en cours », affirment-ils dans leur livre. Selon eux, le modèle de petites et moyennes exploitations agricoles, la figure du couple exploitant ses terres avec une osmose entre vie au travail et familiale s’efface, « laissant place à des formes nouvelles et très diverses d’organisation du travail et du capital agricoles. »
François Purseigle alerte aussi sur la variable démographique de la profession. « Aujourd’hui, les agriculteurs représentent 1,5 % de la population active. 25 % des 398 000 chefs d’exploitation (dont 22 % de femmes) ont 60 ans ou plus. D’ici 2026, 50 % d’entre eux seraient susceptibles de prendre leur retraite. » Par ailleurs, entre 2010 et 2020, l’agriculture a perdu 30 % d’actifs familiaux.
« Aujourd’hui, nous assistons davantage à une tertiarisation de l’agriculture qu’à une industrialisation. 700 000 à 800 000 actifs interviennent sur les exploitations agricoles. Il faut s’adresser à eux, les former. Certains chefs d’exploitation font appel à des assistants à maîtrise d’ouvrage, par exemple les céréaliers qui confient à d’autres la production ovine sur leurs terres en Picardie. En Bretagne, 18 % des exploitations délèguent l’intégralité de leurs travaux de cultures. »
Penser l’installation mais aussi le départ
« Les nouvelles générations ne regardent plus les fermes de la même manière que leurs aînés, ils aspirent au changement, ne veulent pas s’enfermer, se voient dans la mobilité… ». Selon le professeur, « il faut penser l’installation et le départ, sur des temps plus courts, avec des portages, des appuis capitalistiques. Demain, les projets ne seront pas montés uniquement avec de l’endettement, les acteurs économiques tels que les coopératives, les collectivités contribueront. » Les politiques publiques doivent aussi s’inscrire dans ces évolutions.