C’était au tout début des années 2000. Un responsable agricole finistérien prenait la parole lors d’une réunion laitière pour alerter ses pairs sur la pénurie de main-d’œuvre qui se profilait dans le métier. Il craignait, disait-il que la production laitière bretonne baisse « faute de bras ». Ses propos ne reçurent aucun écho… Bien au fait de la pyramide des âges, ce « sage » voyait juste. Il savait aussi que la charge de travail supportable par unité de main-d’œuvre est d’environ 50 vaches, tout comme elle se situe autour de 100 truies en production porcine. Car, contrairement aux idées reçues, la technologie n’a pas vraiment permis d’augmenter la productivité directe en élevage ces vingt dernières années. Les gains de temps proviennent d’abord des multiples délégations de travaux des champs, administratifs, etc. Cette productivité directe – « au cul de l’animal » (sic) – baissera d’ailleurs quand il s’agira de remplacer les agriculteurs laborieux par des salariés aux 35 heures. « Il en faudra deux pour me remplacer », disent fièrement certains agriculteurs. Et ils ont raison…
Dans un contexte de besoins croissants en main-d’œuvre salariée et de forte concurrence entre secteurs économiques sur un même territoire, l’agriculteur devra multiplier les opérations de séduction pour attirer de nouvelles compétences. Y compris en acceptant des conditions « originales » échafaudées dans les têtes des candidats : comme pouvoir aller chercher ses enfants à l’école une à deux fois par semaine ou les accompagner au sport le mercredi à condition que cela ne perturbe pas l’organisation de l’exploitation. Cela suppose pour l’employeur de faire une petite révolution dans sa tête. De passer d’une culture de l’heure de présence à une culture de résultat. L’agriculture ne fera pas l’impasse sur ce nouveau management salarial. Après tout : si la productivité et la rentabilité de l’exploitation sont au rendez-vous, cela change quoi ?