Il était un temps où les peuples se voulaient du bien. Alors ils créèrent l’Onu pour protéger la paix sur Terre. Alors ils créèrent l’OMC pour assurer la prospérité pour tous. Des États européens firent même jardin commun pour s’assurer un garde-manger bien garni : ils l’appelèrent la Pac. Après des millénaires de guerre et des millions de morts, la civilisation semblait terrasser définitivement la bête immonde qui hante les tréfonds de l’âme humaine. Le droit se substituait enfin à la force.
À l’image du loup qui s’infiltre en Bretagne, la bête est à nouveau sortie du bois. La guerre en Ukraine exècre les velléités de fureur et l’instinct belliqueux de l’homme. Mais le chantier de déconstruction du bel édifice élevé après la Seconde Guerre mondiale a en fait commencé bien avant le 24 février. La voix de sagesse de l’Onu n’a plus la portée qu’elle avait. L’OMC a été affaiblie par le jeu d’accointances politiques de circonstance. Même la Politique agricole commune, fer de lance de l’Europe fraternelle, s’est fissurée sous les coups de boutoir successifs consentis par les vents nationalistes.
Dans ce monde « cul par-dessus tête » comme l’image le président Macron, l’Europe ne semble pas avoir encore totalement compris ce qu’il advient à notre monde. Il existe bien une forme de naïveté qui expose la candide déesse aux crocs du fauve. Covid, guerre aux portes de l’UE, conflit de civilisations, changement climatique : l’Europe doit prendre acte de ce changement de paradigme et renouer avec son esprit fondateur d’union et de coopération. Cela commence par une vision à long terme pour son agriculture, garante d’indépendance et de paix sociale dans un monde qui ne s’embarrasse plus de bienséance et dont l’arme alimentaire peut devenir aussi menaçante que l’arme nucléaire.