Les reliquats sortie hiver (RSH) de cette année sont proches de ce qui est généralement observé sur la région, avec 2 zones distinctes basées sur les pluies et le drainage. Les RSH sont à intégrer au mieux pour optimiser la fertilisation azotée des céréales d’hiver dans le contexte des prix d’engrais élevés.
Le plan prévisionnel de fumure, réalisé avant mars, est établi avec une valeur forfaitaire de Reliquat sortie hiver (RSH) fixée par département. Cette valeur de la quantité d’azote minéral du sol disponible pour la céréale à l’ouverture du bilan doit être ajustée annuellement soit par le résultat d’une analyse individuelle, soit par la valeur de la synthèse du réseau régional RSH présentée ici. Elle doit apparaître (ou être rectifiée) dans le cahier de fertilisation, au plus tard fin mars.
Un hiver bien arrosé au Sud-Ouest et plus sec au Nord-Est
L’hiver 2022 – 2023 a été marqué par un contraste important des pluies entre le nord-est de la région et le sud-ouest. Entre le 1er octobre 2022 et le 7 février 2023 les pluies cumulées vont de 280 mm à Rennes (~ -10 % par rapport à la normale 1991-2020) à 890 mm dans le centre Finistère (~ +25 % par rapport à la normale 1991-2020)(1). Les sols étant relativement secs à la fin de l’été, suite à la sécheresse de 2022, le drainage a commencé tardivement, souvent en novembre et parfois fin décembre, notamment à l’est de la Région. Les lames drainantes vont de 100 mm (Est 35) à 500 mm (Centre 29). Cette pluviométrie et ces lames drainantes nous conduisent à délimiter la région en 2 zones pour les RSH céréales de 2023 (Figure 1).
Un RSH influencé par la minéralisation et les pluies hivernales
La fin de l’été, avec le retour des pluies et des sols chauds, a été favorable à la minéralisation. Cette minéralisation s’est poursuivie en début d’automne pour la plupart de la région. Les valeurs de reliquat en début d’automne pouvaient être relativement élevées en fonction des situations. Toutefois, les pluies de l’hiver ont lixivié une partie de l’azote disponible :
• En Zone A, les pluies importantes de novembre et décembre ont donné un drainage suffisant pour lixivier une bonne partie de l’azote présent dans le sol en fin d’été. Toutefois, la minéralisation se poursuit en cette fin d’hiver, surtout en zone A où les températures sont plus clémentes. On y retrouve donc environ 40 % de l’azote disponible dans le 1er horizon de sol (0-30 cm), azote qui pourra être utilisé par les cultures.
• En zone B, le drainage a été plus modéré. Il peut rester de l’azote dans le 3e horizon (60-90 cm), en moyenne 40 % de l’azote présent. Cet azote sera disponible pour les cultures dès épi 1 cm et ne doit pas être négligé.
Les mesures de reliquat réalisées fin janvier-début février sur les 88 parcelles du réseau donnent une valeur moyenne de 30 kg N/ha en zone A et de 45 kg N/ha en zone B. Toutefois, on observe une variabilité des mesures, notamment liée à la situation agronomique et à la profondeur du sol, principalement en zone B où le drainage a été plus faible. Il est donc important de considérer la valeur de RSH correspondant à la situation de chaque parcelle (Figure 2).
Des RSH colza à 20 kg N/ha
Comment utiliser le RSH dans le raisonnement de la fertilisation azotée ?
Le RSH sert à calculer la dose totale d’azote à apporter aux cultures car il s’agit d’une réserve d’azote dans le sol.
Actuellement les céréales sont majoritairement au stade tallage et leurs besoins en azote sont encore faibles. De plus, les températures douces actuelles favorisent la minéralisation. L’apport d’azote au tallage est donc à raisonner et doit être limité à maximum 40uN car toutes les talles ne monteront pas et les excès d’azote favorisent la verse et les maladies.
Pour savoir si un apport au tallage est nécessaire, il est essentiel d’observer les signes de jaunissement des plantes pouvant signifier un manque d’azote (sur des essais bandes doubles densités ou sur les zones de croisement des passages de semoir par exemple). Attention, un jaunissement peut aussi être lié à un excès d’eau. Avant le stade épi 1 cm, la plante n’est généralement pas capable de valoriser plus de 50 kg N/ha.
À l’aide de la grille des bilans Gren, le calcul de dose est réalisé avec un RSH prévisionnel de 30 à 50 kg N/ha en fonction du département. Il convient de remplacer cette valeur par celle du tableau de cet article. C’est l’azote présent dans tout le profil de sol qui pourra être valorisé entre le stade épi 1 cm et la fin de montaison. C’est donc autant d’engrais en moins à apporter lors de l’apport principal (stade épi 1 cm).
À la fin de la montaison, le reliquat d’azote est consommé par la plante. Il convient donc d’envisager un dernier apport. Cet apport d’azote pour lequel 40 kg N/ha ont été réservés peut être réévalué à la hausse ou à la baisse par un outil de pilotage de la fertilisation, tel que Mes SatImages. Par l’observation des plantes, celui-ci précisera la dose d’engrais nécessaire à la bonne atteinte du rendement optimal et d’un taux de protéines satisfaisant à la parcelle ou dans les différentes zones des parcelles. Cela permettra d’éviter les gaspillages qui peuvent être économiquement pénalisants, particulièrement avec le prix des engrais élevés.
Laure Beff / Chambres d’agriculture de Bretagne