Pour valoriser au mieux le lait de qualité qu’il produit sur son exploitation, Romain Le Blimeau s’est lancé dans la transformation de produits laitiers. Avec succès, il concilie le savoir-faire agricole traditionnel avec l’esprit d’entreprise. Une forme de recette familiale.
En cette matinée de février, le soleil morbihannais darde ses rayons mais peine à réchauffer l’atmosphère. Dans les endroits à l’ombre, les traces de la gelée blanche qui a recouvert la nature au lever du jour sont encore bien visibles. Pas de quoi refroidir Romain Le Blimeau et son oncle Patrice qui s’affairent sur leur exploitation. Ici, au hameau de Bréhégaire, sur la commune de Merlevenez, l’agriculture rythme la vie depuis toujours. « Les Le Blimeau sont présents dans ce village depuis 1904, souligne Romain. Je suis le représentant de la sixième génération ».
Un ancrage paysan que la famille conjugue avec un solide sens de l’entrepreneuriat. En 2010, Patrice Le Blimeau s’est associé à son cousin Sébastien Ollier pour lancer un projet de vente de viande de porc et de charcuterie artisanale. Avec leur marque, « Ty Producteurs », les deux éleveurs porcins font alors le pari du circuit court pour valoriser leurs cochons Bleu-Blanc-Cœur (lire par ailleurs), nourris aux céréales et aux graines de lin riches en oméga 3. L’offre séduit les consommateurs, et le bouche-à-oreille se révèle leur meilleure publicité. Au fil des ans, l’enseigne se développe tout en restant fidèle au créneau de ses débuts : proximité, qualité, fraîcheur et prix. Aujourd’hui, « Ty producteurs » emploie une soixantaine de personnes, possède deux magasins et est présente chaque semaine, via ses camions vitrines, sur une trentaine de marchés à travers le Morbihan.
Un projet affiné comme un fromage
Un exemple inspirant pour Romain qui s’est associé avec son oncle et a rejoint l’exploitation afin de s’occuper de la partie laitière. Avant de s’installer en 2018 avec le concours financier du Crédit Mutuel de Bretagne, le jeune agriculteur, son BTS en poche, a travaillé durant quatre ans sur la ferme de Lintan, à Bréhan. Là, il s’est familiarisé avec la production fromagère. Un parcours complété par un certificat de spécialisation en transformation des produits laitiers obtenu au lycée du Gros Chêne, à Pontivy.
Durant ses années de formation, le Morbihannais en a profité pour affiner son projet professionnel. En donnant du temps au temps, pour que celui-ci, tel un bon fromage ensemencé par le ferment entrepreneurial familial, puisse exprimer tout son potentiel. Bref, on l’aura compris, pas question dans son esprit de s’arrêter à la seule production de lait…
La spécialité islandaise du Morbihan
Sur les 830 000 litres de lait Bleu-Blanc-Cœur produits chaque année par le troupeau de 85 vaches laitières, Romain en transforme actuellement quelque 130 000 litres. Implanté à quelques kilomètres de l’exploitation, sur une zone artisanale à Kervignac, le bâtiment technique de 200 m² a vu le jour fin 2020. De la configuration du quai de chargement à la hauteur des plans de travail, tout y est pensé dans les moindres détails pour faciliter le travail quotidien, dans le respect des plus hauts standards de qualité. C’est ici que sont fabriqués yaourt, beurre, crème, fromage blanc, riz au lait et autres spécialités commercialisées sous la marque « Prairie laitière » créée par le jeune homme. Ses canaux de distribution ? « Les deux magasins “Ty Producteurs” ainsi que cinq marchés hebdomadaires. Nous fournissons également des écoles et des collectivités des environs ».
Toujours à l’affût de nouvelles opportunités, Romain a récemment ajouté à sa gamme le skyr, recette islandaise très en vogue auprès des adeptes de nourriture saine. « Des gens de la salle de sport voisine de la fromagerie sont venus me demander si j’en avais. Alors, je me suis lancé ! », confie-t-il, avec enthousiasme et bonne humeur. Preuve que le beurre, l’argent du beurre et le sourire du crémier n’ont rien d’incompatibles !
Jean-Yves Nicolas
Bleu-Blanc-Cœur, tiercé gagnant
Le bleu représente le lin, le blanc la transparence de la démarche et le cœur symbolise, lui, les bienfaits sur la santé humaine. Fruit de la rencontre entre des agriculteurs, des médecins et des agronomes, Bleu-Blanc-Cœur est née en 2000. Son credo ? « Pour bien nourrir les hommes, il faut commencer par prendre soin de nos sols, de nos cultures, de la qualité de l’alimentation et de la santé de nos animaux », explique Jean-Pierre Pasquet, éleveur laitier en Ille-et-Vilaine et co-fondateur de l’association.
Les engagements des éleveurs Bleu-Blanc-Cœur – suppression progressive du tourteau de soja d’importation dans les rations au profit de légumineuses (féverole, pois, lupin…) cultivées sur le territoire, apport de diversité et d’équilibre dans l’auge… – se traduisent par une amélioration de la santé des animaux. Or des animaux en meilleure santé, les publications scientifiques l’attestent, émettent moins de gaz à effet de serre tout en fournissant des produits d’une meilleure qualité nutritionnelle pour l’homme. Ce cercle vertueux, prouvé, mesurable réunit aujourd’hui plus de 7 000 éleveurs, 950 acteurs de la chaîne alimentaire et 3 500 professionnels de santé. Pour en savoir plus : www.bleu-blanc-coeur.org
Ça gaze pour Eco-Méthane
Après le dioxyde de carbone, le méthane est le deuxième gaz qui contribue le plus au changement climatique. Rapporté au niveau de la molécule, son pouvoir de réchauffement sur une durée de 20 ans est même 80 fois supérieur à celui du CO2. Selon les scientifiques, le méthane est à l’origine de 30 % de la hausse de la température mondiale depuis le début de l’ère industrielle. Et parmi les sources d’émissions liées aux activités humaines, figure au premier rang l’élevage, à travers la fermentation entérique qui intervient lors de la digestion des ruminants. Suite aux résultats d’une étude menée en partenariat avec l’Inrae, Bleu-Blanc-Cœur a lancé, en 2010, son programme Eco-Méthane. Ce dernier vise à réduire, via l’alimentation, les émissions de méthane entérique des ruminants laitiers. En effet, il a été établi qu’une alimentation variée et riche en oméga 3 (herbe, lin, luzerne) permettait d’atténuer la production de méthane. Sur le plan pratique, les exploitations engagées dans le programme Eco-Méthane diminuent ainsi en moyenne leurs émissions de 15 % ! Une démarche que le Crédit Mutuel de Bretagne soutient depuis déjà plusieurs années, dans le cadre de sa politique d’accompagnement des transitions agro-environnementales. Une nouvelle convention de partenariat d’une durée de trois ans vient d’ailleurs d’être signée entre l’établissement coopératif et l’association. « 85 % de notre dotation financière est redistribuée aux éleveurs sous forme de bons cadeaux, se félicite Daniel Caugant, responsable du marché de l’agriculture au CMB. C’est une reconnaissance concrète des efforts réalisés par les éleveurs pour réduire l’empreinte carbone de l’agriculture ».
