À quelques jours de la journée internationale des droits de la femme, Josiane Mahouas prend la plume et nous livre son regard sur sa vie d’agricultrice, à quelques mois de la retraite.
Tous les matins depuis tant d’années, je ne compte plus, peu importe mon état de fatigue, je suis réveillée à la même heure. D’après la médecine chinoise, il ne s’agit pas d’une coïncidence ni d’un réveil nocturne, mais d’un signe d’éveil spirituel. En fait c’est tout simplement mon corps qui m’envoie le message qu’il est l’heure de se lever, mon horloge biologique est parfaitement synchronisée avec celui de mon troupeau.
Je prends le Temps d’un clin d’œil dans le rétroviseur, avec un regard un peu nostalgique ce matin.
La rencontre de l’être aimé, le mariage, la famille, les enfants, le travail à la ferme, tant d’images qui s’entremêlent, de souvenirs qui font le cheminement de toute une vie personnelle et professionnelle.
Une vie à un rythme échevelé, tentant de rattraper un Temps qui me manque toujours.
Le Temps pour la famille : j’ai partagé des joies, des moments chaleureux mais aussi des contradictions et des pressions. La ferme des aïeuls, on ne mesure jamais assez le pacte intergénérationnel, le lien affectif, la transmission patrimoniale.
Le Temps pour les enfants : j’ai essayé de leur transmettre les valeurs de l’effort, du travail, du respect d’autrui. Je souris gentiment dans mes moustaches car je mesure le sentiment du devoir accompli.
Le Temps pour le travail sur l’exploitation agricole, la volonté d’être performante, d’être efficace, d’être toujours à la hauteur ‘De’.
Que de chemin parcouru sur mon exploitation porcine et céréalière, je suis un bon petit soldat. J’ai relevé le défi de toutes ces adaptations successives, complémentaires ou parfois opposées. J’ai répondu en permanence aux obligations réglementaires. J’ai réalisé les investissements conséquents mais nécessaires pour garder un accès aux marchés.
Le Temps de la colère : j’ai toujours eu conscience que l’agriculture est un secteur stratégique, mon exploitation s’est adaptée et conformée à chaque décision, chaque loi d’Orientation, chaque décret.
Je suis une maman, une consommatrice, j’ai gardé à l’esprit ma responsabilité à mon échelle, du maillon que je représente dans la production d’une alimentation saine et équitable.
Je suis une citoyenne, ma production porcine a participé à un dynamisme de territoire, le travail au quotidien sur mes parcelles céréalières a enrichi un paysage qui participe plus que jamais à l’attractivité de la Bretagne d’aujourd’hui.
Le Temps de l’incompréhension : j’entends mais je ne vis pas très bien les critiques de la société envers un modèle de production que j’ai exercé durant toutes ces années avec les compétences qui sont les miennes.
Josiane Mahouas